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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/392

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— Je le crois bien…

Puis, se tournant vers sa mère, il continua :

— Mère, je travaillerai tous les jours deux heures de plus ; le dimanche je n’irai pas au cabaret… mais il faudra permettre à la veuve de Jean le maçon de venir chaque jour dîner ici avec un de ses enfants, aussi longtemps que mon supplément de travail et mes économies pourront y suffire…

Les yeux de la mère s’attachèrent, humides et brillants, sur son fils, et elle dit d’une voix douce, tandis qu’une larme tombait de sa paupière :

— Barthélemy, mon enfant, je t’aimais déjà beaucoup ; mais je t’aime beaucoup plus encore maintenant.

Une douce expression de soulagement se peignit sur le visage de la mendiante ; elle saisit vivement la main de Barthélemy et dit d’un ton grave :

— Dieu est juste. Vous ne donnez pas seulement à votre prochain le fruit de vos sueurs, mais encore votre amitié, votre cœur ; vous faites pour la pauvre veuve ce que vous pourriez faire pour une sœur… Dieu est juste ; vous serez heureux en ce monde !

Ce disant, elle jeta un regard sur Cécile comme si elle eût voulu indiquer au jeune homme la source de son bonheur futur…

Les yeux de Cécile, pleins d’une tendre reconnaissance, s’étaient arrêtés un instant sur les yeux de Barthélemy ; celui-ci, ému par ce regard et par les paroles de la veuve, releva fièrement la tête, mais cette profonde émotion lui devenant pénible, il se leva vivement et répondit en éclatant de rire :