Aller au contenu

Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/517

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette vue la rendit toute tremblante. Elle lui donna une seconde cuillerée ; il l’avala avec un mouvement apparent du gosier.

Frémissante d’espoir et tout à fait hors d’elle, elle continua à lui donner du bouillon en attachant sur son visage un regard plein d’anxiété.

Tout à coup un frisson convulsif parut courir dans les membres du malade. Il se raidit et demeura immobile ; la respiration même parut arrêtée.

Un cri si douloureux et si navrant échappa à Cécile que Barthélemy et sa mère tressaillirent épouvantés et s’approchèrent précipitamment du lit.

Cécile, la tête penchée sur le sein de son oncle, sanglotait tout haut et baignait de larmes brûlantes le cou du vieillard. Elle mêlait aux déchirantes expressions de la douleur les douces paroles de la tendresse et de l’amour, et baisait de temps en temps les lèvres glacées de celui dont elle déplorait la mort.

Mais bientôt un second cri lui échappa, cri de surprise et de joie. L’oncle Jean remuait les lèvres, il ouvrait et fermait la bouche, comme si ce corps épuisé eût machinalement demandé de la nourriture.

La jeune fille bondit et lui présenta avec une agitation fébrile deux ou trois cuillerées de bouillon ; dans sa joie, elle lui aurait probablement fait prendre toute la jatte, si la crainte de contrevenir à l’ordonnance du médecin ne l’eût retenue.

Elle déposa donc la cuiller, se pencha sur son visage et épia l’effet que produirait sur lui la nouvelle nourriture qu’il avait prise.