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Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/61

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vexatoires, subversifs de toutes les bases de leurs calculs, et de toutes les sauvegardes de leurs intérêts, parce qu’à deux cents lieues, des hommes qui leur sont entièrement étrangers ont cru pressentir quelques périls, deviner quelqu’agitation, ou apercevoir quelqu’utilité.

On ne peut s’empêcher de regretter ces temps où la terre étoit couvertes de peuplades nombreuses et animées, où l’espèce humaine s’agitoit et s’exerçoit en tout sens dans une sphère proportionnée à ses forces. L’autorité n’avoit pas besoin d’être dure pour être obéie ; la liberté pouvoit être orageuse, sans être anarchique ; l’éloquence dominoit les esprits et remuoit les âmes ; la gloire étoit à la portée du talent, qui, dans sa lutte contre la médiocrité, n’étoit pas submergé par les flots d’une multitude lourde et innombrable ; la morale trouvoit un appui dans un public immédiat, spectateur et juge de toutes les actions dans leurs plus petits détails et leurs nuances les plus délicates.

Ces temps ne sont plus ; les regrets sont inutiles. Du moins, puisqu’il faut renoncer à tous ces biens, on ne sauroit trop le répéter aux maîtres de la terre : qu’ils laissent subsister dans leurs vastes empires les variétés dont ils sont susceptibles, les variétés réclamées par la nature, consacrées par l’expé-