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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/149

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vanité et l’aveuglement ne nous persuadent que trop souvent que le bonheur dont nous jouissons ne saurait finir.

Sir Edward et lady Moseley n’entrevoyaient dans l’avenir que des jours de calme et de bonheur pour tous leurs enfants.

Clara était déjà heureusement établie, et ses sœurs étaient à la veille de s’unir avec des hommes dont la famille, le rang et le caractère auraient satisfait des parents plus difficiles ; elles allaient, il est vrai, tirer à une loterie dont les chances sont bien incertaines ; mais, d’après leurs principes, sir Edward et lady Moseley ne pouvaient qu’espérer et prier pour leur bonheur, et ils le faisaient avec ferveur.

Ce n’était point ainsi que se conduisait Mrs Wilson ; elle avait veillé sur le précieux dépôt qui lui avait été confié, avec trop d’assiduité, un trop vif intérêt et un sentiment trop juste de la responsabilité qui pesait sur elle, pour déserter son poste au moment où sa surveillance devenait plus nécessaire.

Dans les entretiens qu’elle avait avec sa nièce, elle travaillait à empêcher que la perspective de bonheur terrestre qui s’ouvrait devant elle ne lui fît oublier que ce n’était que le passage à une meilleure vie ; elle tâchait, par ses exemples, par ses prières et par ses conseils, de ne lui point laisser perdre de vue la fin pour laquelle elle avait été créée, et, avec le secours de la Providence, ses efforts étaient couronnés de succès.

Le jour où les jeunes gens avaient été visiter la bibliothèque publique, lorsque toute la famille était encore à table après le dîner, John Moseley semblant sortir d’une longue rêverie, demanda tout à coup à sa sœur :

— Laquelle trouvez-vous la plus belle, Émilie, de Grace Chatterton ou de Mrs Fitzgerald ?

Émilie se mit à rire, et lui répondit : — C’est Grace, très-certainement ; n’êtes-vous pas de mon avis, mon frère ?

— Mais, oui, quelquefois ; mais ne trouvez-vous pas qu’il y a des moments où Grace a tout à fait le regard de sa mère ?

— Oh ! non ; elle est le portrait frappant de Chatterton.

— C’est à vous qu’elle ressemble trait pour trait, chère Emmy, dit M. Benfield, qui écoutait leur conversation.

— À moi, mon cher oncle ! jamais personne ne m’a fait ce compliment.

— Oui, oui, et cela saute aux yeux ; je n’ai jamais vu une si