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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/174

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Cette judicieuse apologie était accompagnée de mille promesses de se montrer le plus tendre des époux et le meilleur des fils. Les fugitifs étaient sur la route d’Écosse, d’où ils avaient l’intention de se rendre à Londres, pour y attendre les ordres de leurs parents.

Le baronnet, d’une voix tremblante d’émotion en pensant aux souffrances de sa fille, félicita M. Jarvis de ce que les choses n’avaient point pris une plus mauvaise tournure ; tandis que Denbigh, se mordant les lèvres, ne put s’empêcher de dire que la stipulation des dots eût pu l’embarrasser davantage que la publication des bans ; car Egerton n’ignorait pas que les Jarvis venaient d’hériter de vingt mille livres sterling d’une vieille tante.





CHAPITRE XXVI.


Quelle est cette étrangère !
Shakspeare.


Quoique le cœur de Jane eût été cruellement blessé, son orgueil avait plus souffert encore, et ni sa mère ni sa sœur ne pouvaient lui persuader de quitter sa chambre. Elle parlait peu ; cependant une ou deux fois, cédant aux soins affectueux d’Émilie, elle épancha ses chagrins dans le sein de l’amitié ; et dans ces moments d’abandon elle déclara que jamais elle ne reparaîtrait dans le monde.

Sa mère fut témoin d’un de ces accès de désespoir ; et, pour la première fois, un sentiment de remords se mêla à ses douleurs maternelles. Si elle s’en était moins rapportée aux apparences, sa fille eût pu apprendre, avant que son repos fût compromis, quel était le véritable caractère de l’homme qui cherchait à gagner son cœur.

Lady Moseley aimait trop sa fille pour ne pas mêler ses larmes aux siennes, au moment surtout où elle voyait sous leur véritable jour les causes et les conséquences de ses chagrins ; mais elle n’avait point assez de caractère pour faire un judicieux retour sur elle-même, et trop de paresse d’esprit pour faire tourner les leçons du passé au profit de l’avenir.