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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/175

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Nous laisserons Jane déplorer la perfidie de son amant, qu’une piété plus solide lui eût appris à supporter avec résignation, pour nous occuper des autres personnages de notre histoire.

L’indisposition de Jane avait fait remettre la visite à Mrs Fitzgerald ; mais, une semaine après la fuite du colonel, la malade ayant consenti à quitter sa chambre, et Mrs Wilson remarquant qu’Émilie était pâle et changée d’être restée si longtemps renfermée auprès du lit de sa sœur, elle décida qu’elles rempliraient, le lendemain matin, la promesse qu’elles avaient faite à la jeune Espagnole. Elles trouvèrent les deux dames impatientes de les revoir et de savoir des nouvelles de Jane, dont Émilie leur avait écrit la maladie. Après avoir fait servir quelques rafraîchissements, Mrs Fitzgerald, qui paraissait plus triste encore que de coutume, commença le récit de ses aventures.

La fille d’un négociant anglais établi à Lisbonne avait fui de la maison paternelle pour suivre un officier irlandais au service de Sa Majesté catholique ; ils se marièrent, et le colonel conduisit immédiatement son épouse à Madrid. Un fils et une fille furent le fruit de cette union. Le premier, ayant été élevé dans la religion de ses ancêtres, entra de bonne heure au service du roi. Mais la signera Maccarthy était protestante, et malgré la promesse solennelle qu’elle avait faite à son mari, elle donna les mêmes principes à sa fille, dont la main, lorsqu’elle eut atteint l’âge de dix-sept ans, fut demandée par un grand de la cour de Charles. Le comte d’Alzada était un parti qu’on ne pouvait refuser ; et ils furent unis, non seulement sans s’aimer, mais même sans se connaître, comme cela n’arrive que trop souvent dans un pays où les deux sexes vivent presque toujours isolés l’un de l’autre. Le comte, d’un caractère dur et sévère, ne posséda jamais les affections de sa femme ; sa rudesse repoussait l’amour ; et celle-ci, dont les regards et les pensées étaient sans cesse dirigés vers la maison paternelle, où elle avait passé de si heureux jours, nourrissait intérieurement les principes religieux que lui avait donnés sa mère. Forcée de paraître catholique, elle était toujours protestante au fond du cœur. Ses parents parlaient toujours anglais lorsqu’ils étaient entre eux, et cette langue lui était aussi familière que l’espagnole. Après leur mort, pour ne point perdre l’habitude de s’exprimer dans une langue qui lui rappelait de si doux souvenirs, elle passa une grande partie de son temps à lire les livres que lui