Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Il y avait peu de ressemblance au moral comme au physique entre le jeune lord et l’héritier du baronnet. Chatterton avait une figure efféminée, sa peau était d’une blancheur parfaite, son teint d’une fraîcheur qui aurait pu faire envie à plus d’une petite maîtresse, et il avait toute la timidité, toute la défiance d’une demoiselle. Quoique d’un caractère différent, les deux jeunes gens n’en étaient pas moins unis. Leur amitié avait commencé à l’école, où ils s’étaient trouvés en même temps ; elle s’était cimentée au collège, et depuis lors jamais elle ne s’était démentie. Quand ils étaient ensemble, ils semblaient se conformer au caractère l’un de l’autre. Avec son ami, John était moins vif, moins bouillant qu’à l’ordinaire ; Chatterton auprès de John était plus hardi, plus animé ; mais ce que Chatterton aimait le plus en lui, c’était le frère d’Émilie, pour laquelle il avait toujours eu l’affection la plus sincère. S’il faisait quelque rêve brillant de bonheur pour l’avenir, toujours l’image d’Émilie venait l’embellir, et il n’avait pas une pensée à laquelle ne se rattachât le souvenir de celle qu’il adorait.

L’arrivée de cette famille fit une diversion agréable à la tristesse des Moseley, et elle fut reçue avec cette douce bienveillance qui était naturelle au baronnet, et avec cet empressement distingué qui caractérisait si éminemment les manières de son épouse.

Catherine et Grace Chatterton étaient toutes deux jolies ; mais la plus jeune ressemblait davantage à son frère. La même ressemblance existait au moral ; c’était la même timidité, la même douceur de caractère, et Grace était la favorite d’Émilie Moseley.

Aucun de ces sentiments forcés et romanesques qui caractérisent souvent l’amitié des jeunes personnes ne se glissait dans les relations des deux amies. Si Émilie avait eu des conseils ou des consolations à demander, elle aimait trop ses sœurs pour chercher une confidente hors de sa famille ; mais elle trouvait dans Grace Chatterton un caractère et des goûts analogues aux siens ; aussi, dès le premier moment, l’avait-elle distinguée de la foule des jeunes personnes qu’elle rencontrait dans la société, et c’était toujours avec un nouveau plaisir qu’elle la voyait venir chez sa mère.

— Je regrette infiniment, Madame, dit la douairière en entrant dans le salon, que l’accident arrivé à Chatterton nous ait privés du plaisir d’assister au mariage de notre chère enfant ; mais nous avons voulu du moins être des premiers à vous offrir nos félici-