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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/86

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— Mais, Madame, dit le colonel en hésitant et en rendant au marchand la tabatière que, dans son agitation, il avait laissée tomber, les circonstances autorisent quelquefois à s’écarter des règles ordinaires. Vous avez certainement raison en principe ; mais, sans connaître les particularités de l’affaire dont il s’agit, il m’est difficile de décider… Miss Jarvis, le tilbury est prêt. — Et le colonel, ayant salué respectueusement le marchand et baisé la main de Mrs Jarvis, conduisit leur fille à sa voiture.

— Ferez-vous les excuses que j’exige ? demanda M. Jarvis au moment où la porte se fermait sur eux.

— Non, Monsieur, répondit le capitaine d’un air sombre.

— Alors, arrangez-vous de manière à ce que votre paie vous suffise pendant le prochain semestre, dit le père en tirant de son portefeuille un bon à vue sur son banquier ; et, après l’avoir déchiré avec le plus grand sang-froid, il mit dans sa bouche le morceau qui portait sa signature, et s’amusa à en faire une petite boule.

— Mais, alderman, dit sa femme (elle avait coutume de lui donner ce titre lorsqu’elle désirait en obtenir quelque chose, sachant que son mari aimait à s’entendre appeler de ce nom, quoiqu’il n’exerçât plus ces fonctions honorables), il me semble que Henri n’a fait que son devoir, et vous êtes injuste envers lui…

— Son devoir !… Et que connaissez-vous, s’il vous plaît, à ces sortes d’affaires ?

— Il me semble que le devoir d’un militaire offensé est de se battre, répondit-elle un peu embarrassée de soutenir ce qu’elle avait avancé.

— Devoir ou non, reprit M. Jarvis en sortant, des excuses, ou trente-deux sous par jour.

— Henri ! dit sa mère en levant le doigt dans une attitude menaçante ; si vous demandez pardon, vous n’êtes plus mon fils.

— Non s’écria miss Sarah ; ce serait par trop avilissant.

— Qui paiera mes dettes ? demanda le capitaine en regardant au plafond.

— Je voudrais bien pouvoir vous aider, mon enfant ; mais… mais… j’ai dépensé toute la pension que me fait votre père.

— Je le voudrais bien aussi, répéta Sarah ; mais vous savez que nous devons aller à Bath ; et j’ai besoin de toutes mes épargnes.

— Mais qui paiera mes dettes ? dit encore Jarvis.

— Des excuses ! En vérité, il serait beau de voir que vous, le