Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop vite, et son pas devenait parfois assez rapide pour forcer les mules à abandonner leur allure naturelle pour ne pas déranger l’ordre de la marche. Tout cela, néanmoins, fut attribué par la plupart des voyageurs à la nature du terrain, qui, en sortant de Liddes, offre une assez grande étendue de ce qu’on peut appeler dans les Hautes-Alpes une route unie. Ils pensèrent aussi qu’il était nécessaire de réparer le temps perdu à l’auberge, car le soleil penchait déjà vers les bornes occidentales de leur étroit horizon, et la température annonçait, sinon un changement soudain du temps, au moins l’approche de la fin du jour.

— Nous parcourons une route très-ancienne, observa le signor Grimaldi quand sa pensée, que les démarches du guide avaient fixée un instant, se reporta sur leur situation présente, on pourrait même dire très-respectable, en honneur des dignes religieux qui contribuent à la rendre moins périlleuse, et aussi à cause de sa grande antiquité, l’histoire nous parle souvent de capitaines qui l’ont traversée à la tête de leurs armées, et elle servit longtemps de communication à ceux qui passaient du nord au sud, dans des vues guerrières ou pacifiques ; et dans le siècle d’Auguste, les légions romaines la choisirent fréquemment pour leurs marches victorieuses dans l’Helvétie ou vers les Gaules. Les soldats de Cœcinna s’enfoncèrent dans ces gorges profondes, pour venir attaquer Othon, et les Lombards les imitèrent cinq cents ans plus tard. Ce sol fut souvent foulé par des compagnies armées dans les guerres de Charles de Bourgogne, dans celles de Milan, et pendant les conquêtes de Charlemagne. Je me rappelle avoir lu je ne sais quel conte où l’on prétend qu’une horde de corsaires de la Méditerranée pénétrèrent par cette route, dans des projets de pillage, et s’emparèrent même du pont Saint-Maurice. Comme nous ne sommes pas les premiers, il est probable que nous ne serons pas les derniers qui se confieront à ces régions élevées dans un but hostile ou dans un but bienveillant.

— Signore, observa Pierre d’un ton respectueux, quand le Génois eut cessé de parler, si Votre Excellence voulait bien s’exprimer en termes moins savants et employer ces paroles familières qui se prêtent à une marche rapide, cela serait plus en rapport avec l’heure et la nécessité où nous sommes d’être diligents.

— Craindrais-tu quelque danger ? Sommes-nous en retard ? Parle, je déteste les réticences.

— Le danger est une expression bien forte dans nos bouches,