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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/271

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Signore ; car ce qu’on nomme sécurité, sur cette route, pourrait sans doute porter un autre nom dans la vallée ; je ne dis pas le contraire, mais le soleil touche aux rochers, comme vous le voyez, et nous approchons d’un endroit où le faux pas d’une mule dans l’obscurité peut nous coûter cher. Je voudrais que nous missions à profit la lumière du jour tandis que nous le pouvons encore.

Le Génois ne répondit rien, mais il fit prendre à sa mule une allure qui s’accordait mieux avec les désirs de Pierre. Toutes les autres suivirent naturellement la même impulsion, et la petite troupe se mit à un trot qui égalait à peine, cependant, les longues et impatientes enjambées du guide, qui, malgré son âge, paraissait glisser sur la terre avec une parfaite aisance. La chaleur avait été assez forte durant la journée, et son influence se fit sentir dans cette atmosphère si pure tout le temps que les rayons du soleil frappèrent la vallée ; mais dès qu’ils furent interceptés par une des pointes de la montagne, le refroidissement de l’air prouva combien leur présence est nécessaire au bien-être de ceux qui se trouvent à une si grande élévation. Les femmes s’enveloppèrent de leurs mantes, au moment où le crépuscule vint remplacer la lumière du jour et bientôt après, les plus âgés des gentilshommes déployèrent leurs manteaux et prirent les précautions ordinaires contre l’effet de l’air du soir.

Le lecteur ne doit pas supposer que tous ces petits incidents du voyage se passèrent dans un espace de temps aussi court que celui que nous avons employé à le raconter. Une assez longue partie de la route fut parcourue, plusieurs petits hameaux furent traversés avant que le signor Grimaldi et son ami se fussent couverts de leurs manteaux. Ce passage de la chaleur du jour à la fraîcheur du soir fut aussi accompagné d’un égal changement dans l’aspect des objets. Le dernier village est Saint-Pierre, amas de chaumières dont les toits sont en pierre et qui portent tous les caractères de la contrée inhospitalière dans laquelle elles sont construites. On trouve encore un hameau près du pont d’Hudri ; il se compose de cabanes dont l’aspect est si repoussant, qu’elles semblent tenir le milieu entre la demeure de l’homme et la caverne des bêtes sauvages. Depuis longtemps la végétation s’appauvrissait de plus en plus, et l’on en voyait alors les derniers vestiges disparaître dans le sein d’une stérilité qui aurait défié tous les efforts de l’art. C’est ainsi que les ombres d’un tableau, passant par toutes les gradations du coloris, vont se perdre dans