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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/106

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doucement la porte, et je me présentai devant eux. Je fus d’abord un peu embarrassé pour adresser la parole à ces étrangers ; mais, réfléchissant qu’un peuple qui parlait une langue aussi riche et aussi difficile à prononcer que celle que je venais d’entendre, comme tous ceux qui emploient les dialectes dérivés d’une racine slavonne, devaient probablement connaître toutes les autres langues, et me rappelant surtout que le français sert en quelque sorte de truchement à toutes les nations civilisées, je me déterminai à employer cette langue avec eux :

Messieurs et mesdames, dis-je en les saluant, mille perdons pour cette intrusion peu convenable[1].

Mais, puisque j’écris en anglais, je suis obligé de traduire le discours qui va suivre ; quoique je ne renonce qu’à regret à l’avantage de le transcrire textuellement, et dans la langue même dans laquelle il a été originairement prononcé.

— Mille pardons, dis-je donc en saluant, mais ayant cru entendre quelque chose qui ressemblait à des plaintes trop bien fondées, je ne le crains que trop, relativement à la fausse position dans laquelle vous êtes placés, comme habitant cet appartement, et comme étant en conséquence votre hôte, j’ai pris le parti de venir vers vous, sans autre intention que celle de prêter l’oreille à tous vos griefs, afin, s’il est possible, de les redresser aussitôt que les circonstances le permettront.

Les étrangers furent tout naturellement un peu surpris de ma brusque arrivée et du langage que je venais de leur tenir. Je remarquai que les deux dames paraissaient ressentir un certain degré d’embarras : la plus jeune détournant la tête avec une modestie virginale, et la plus âgée, espèce de figure de duègne, tenant les yeux baissés, mais réussissant à mieux conserver sa dignité et son empire sur elle-même. Le plus jeune des deux messieurs, après un moment d’hésitation, s’avança vers moi d’un air grave, et répondant à mon salut par un mouvement de queue aussi gracieux qu’expressif, il me répondit ainsi qu’il suit : — Je dois faire observer qu’il parlait français aussi bien que tout Anglais qui a vécu assez longtemps sur le continent pour s’imaginer qu’il peut voyager dans le royaume sans être reconnu pour étranger. Au reste, son accent était légèrement russe, et sa pro-

  1. Cette phrase est en français dans l’original.