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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/146

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pour prévenir une explosion totale. Comme il n’y avait point d’autre ouvrier que la nature, elle se servit de ses propres instruments, et son travail fut conforme à ses lois. Les parties les plus minces de la croûte cédèrent à temps, et le superflu de la vapeur s’échappa dans le vide, en droite ligne avec faire de la terre. Ce phénomène arriva, autant que nous avons pu nous en assurer, vers l’an 700 avant l’ère chrétienne, ou deux siècles environ avant la naissance des premiers Monikins.

— Et pourquoi donc de si bonne heure, docteur ?

— Simplement pour laisser à la glace, qui s’était accumulée depuis tant de siècles, le temps de se fondre ; car ce n’était qu’à l’extrémité méridionale de la terre que l’explosion avait eu lieu. L’action continue de la vapeur pendant deux cent soixante-dix ans suffit pour cela ; et depuis lors la race monikine est en jouissance de tout le territoire et de ses précieuses productions.

— Est-ce à dire, demanda le capitaine Poke avec plus d’intérêt qu’il n’en avait paru prendre jusque-là à la dissertation des philosophies, que ceux de votre espèce, quand ils sont dans leur pays, résident au sud de la ceinture de glace que nous autres marins nous rencontrons infailliblement vers le 77e degré de latitude sud ?

— Précisément. — Hélas ! faut-il que nous soyons aujourd’hui si loin de ces régions si paisibles, si salubres, si délicieuses ! Mais que la volonté de la Providence soit faite ! Sans doute il y a quelque motif supérieur pour notre captivité et pour nos souffrances, et il faut croire qu’elles tourneront à la plus grande gloire de la race monikine.

— Auriez-vous la bonté de continuer vos explications, docteur ? Si vous niez la révolution annuelle de la terre, comment expliquez-vous les changements des saisons, et d’autres phénomènes astronomiques, tels que les éclipses, qui se reproduisent si souvent ?

— Vous me rappelez que le sujet n’est pas encore épuisé, reprit le philosophe en essuyant une larme à la dérobée. La prospérité produisit quelques-uns de ses effets ordinaires parmi les fondateurs de notre espèce. Pendant quelques siècles, ils allèrent se multipliant, allongeant leurs queues, se perfectionnant dans les arts et dans les sciences, jusqu’à ce que quelques esprits, plus audacieux que les autres, s’irritassent de la lenteur avec laquelle