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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/184

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caresses et de félicitations. Ce noble couple nous quitta chacun sur une barque séparée, et accompagnée d’une escorte convenable. Nous pardonnâmes la petite négligence dont ils se rendirent coupables en oubliant de prendre congé de nous, car la joie leur avait presque fait perdre la tête. Vint ensuite une procession de quarante savants, députés par l’académie pour féliciter son collègue de son heureux retour. Leur entrevue fut dirigée d’après les principes les plus lumineux de la raison. Chaque section — il y en a quarante dans l’académie de Leaphigh — prononça un discours par l’organe de son représentant, et le docteur Reasono répondit séparément à chacun d’eux ; employant exactement les mêmes idées, mais variant chacun de ses discours par des tournures diverses, comme on sait qu’un dictionnaire se compose des diverses combinaisons des lettres de l’alphabet. Le docteur Reasono partit avec ses collègues sans faire plus d’attention au capitaine Poke et à moi que n’en accorderait, dans tout pays civilisé de la chrétienté, une réunion de savants à la présence accidentelle de deux singes ; un tel oubli me parut de mauvais augure, et je commençai à sentir se réveiller dans mon cœur les sentiments qui convenaient à sir John Goldencalf, baronnet du royaume uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande ; mes réflexions furent interrompues par l’arrivée des officiers de l’enregistrement et de la circulation. Le second devait nous donner les passeports nécessaires pour pouvoir entrer et circuler dans le pays, après que le premier nous aurait enregistrés par numéros et couleurs de manière à nous assujettir régulièrement aux taxes. Une longue pratique avait rendu l’officier de enregistrement fort expéditif ; il ne lui fallut qu’un coup d’œil pour décider que je formais moi seul une nouvelle classe dont je fus tout naturellement le n° 1er. Le capitaine et les deux enseignes en firent une autre, nos 2 et 3. Bob composa aussi une classe à lui seul, et eut les honneurs du n° 1. Les hommes de l’équipage furent la dernière classe, et l’officier les numérota d’après leur taille respective, jugeant que leur mérite était purement physique. Vint ensuite le point important de la couleur, d’où dépendait la qualité de la classe, les numéros ne faisant qu’indiquer notre place spéciale dans chacune. Après bien des questions et des délibérations, je fus enregistré comme n° l, couleur de chair ; Noé et ses deux enseignes, comme nos 1, 2 et 3, couleur d’eau de mer ; Bob, comme n° 1, couleur de