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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/236

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ment de votre mémoire, qui vous a rappelé un nom que vous n’aviez probablement jamais entendu.

Cette réponse jeta dans tout le cercle une confusion qui me parut d’abord inexplicable ; mais j’appris bientôt que le capitaine avait manqué, sans le savoir, à deux points les plus importants de l’étiquette de Leaphigh ; d’abord en avouant une émotion aussi vulgaire que celle de l’étonnement en présence de la personne du roi, et ensuite en disant que Sa Majesté avait de la mémoire, faculté qui pourrait être dangereuse pour la liberté du peuple, si l’on en laissait l’exercice à tout autre qu’à un ministre responsable, et qu’on ne pouvait sans crime imputer au roi, comme une loi déjà fort ancienne l’avait prononcé. D’après la loi fondamentale du pays, l’aîné des cousins-germains du roi peut avoir autant de mémoire que bon lui semble ; en user ou en abuser comme il le juge à propos, tant en particulier que pour le service public ; mais on tient qu’il est inconstitutionnel et imprudent de donner à entendre, même de la manière la plus détournée, que le roi a une mémoire, une volonté, une détermination, un désir, une pensée, en un mot, une qualité intellectuelle quelconque, à l’exception « son bon plaisir » : car il est très-constitutionnel de dire que le « bon plaisir » du roi est de…, pourvu qu’il soit bien entendu que ce « bon plaisir » est à la disposition de l’aîné de ses cousins-germains.

Quand Noé Poke eut été informé de sa méprise, il en montra toute la contrition convenable, et l’on ajourna la décision de l’affaire, afin de prendre l’opinion des juges sur la question de savoir si l’on pouvait accepter le cautionnement que j’offris sur-le-champ en faveur de mon compagnon de voyage. Cette affaire étant arrangée pour le moment, on parut n’y plus songer.

— J’ai l’honneur de présenter à Votre Majesté Noé Poke, lord grand-amiral d’un pays très-éloigné et fort peu connu, nommé la Grande-Bretagne, dit le chambellan de service, après l’avoir conduit devant la reine, qui, oubliant la petite méprise qu’il avait commise, semblait disposée à le recevoir gracieusement. L’Ami du peuple, craignant de compromettre la république de Leaplow, n’avait pas voulu se charger de cette présentation.

— Lord Poke, dit la reine par son substitut, d’un ton fort gracieux, est un concitoyen de notre royal cousin le prince Bob.

— Votre cousin Bob n’est pas le mien, Madame, s’écria vive-