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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/321

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beaucoup, dit Ève d’un ton distrait et comme si elle eût à peine su ce qu’elle disait.

— M. Powis ! c’était l’homme le plus noble et le plus désintéressé. Jamais il n’a existé un être plus généreux et moins égoïste que Francis Powis.

— Je croyais que vous n’aviez jamais connu votre père ? s’écria Ève avec surprise.

— Non sans doute ; mais je vois quelle est votre erreur : vous supposez que mon père se nommait Powis ; il s’appelait Assheton.

Il lui expliqua alors la manière dont il avait été adopté dans son enfance par un M. Powis, dont il avait pris le nom en se trouvant complètement abandonné par son père, et de la fortune duquel il avait hérité à la mort de son bienfaisant protecteur.

— Je conservai le nom d’Assheton jusqu’au moment où M. Powis me conduisit en France. Alors il m’engagea à prendre le sien, ce que je fis d’autant plus volontiers qu’il croyait s’être assuré que mon père était mort, et qu’il avait légué la totalité d’une fortune considérable à ses neveux et nièces sans dire un seul mot de moi dans son testament, et comme s’il paraissait même vouloir nier son mariage.

— Il y a dans tout cela, monsieur Powis, quelque chose de si extraordinaire et de si inexplicable, qu’il me semble que vous avez à vous reprocher de ne pas avoir cherché à vous procurer des renseignements plus exacts sur toutes ces circonstances. D’après tout ce que vous venez de dire, il paraît que vous auriez pu le faire.

— Pendant longtemps, pendant bien des années remplies d’amertume, je n’osais prendre des informations de peur d’apprendre quelque chose qui fût injurieux à la mémoire de ma mère. D’une autre part, mon long service dans la marine m’a tenu presque constamment sur la mer. Enfin le dernier voyage et la maladie de mon digne protecteur ne me laissèrent pas même le désir de chercher des renseignements dans ma propre famille. La fierté offensée de M. Powis, qui fut justement blessé de la manière cavalière dont les parents de ma mère contribuèrent à me rendre étranger à cette partie de ma famille, mit un terme à toutes relations entre nous. — Ils affectèrent même de douter du fait que mon père eût jamais été marié.

— Mais en avez-vous des preuves ? demanda Ève avec vivacité.

— Des preuves incontestables. Ma tante, lady Dunluce, était