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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/322

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présente au mariage et je possède le certificat remis à ma mère par le ministre qui l’a prononcé. N’est-il pas bien étrange, miss Effingham, qu’avec toutes ces preuves de ma légitimité, lady Dunluce elle-même et toute sa famille aient manifesté des doutes jusqu’à une époque encore très-récente ?

— Cela est inexplicable, puisque votre tante avait été présente à la cérémonie.

— Cela est très-vrai ; mais quelques circonstances, aidées peut-être par le vif désir de son mari d’obtenir pour sa femme un titre dont elle était héritière si je n’y avais pas des droits légitimes, les portèrent à croire que mon père était déjà marié à l’époque où il avait épousé ma mère. Mais, grâce au ciel ! je suis heureusement aussi délivré de ce soupçon.

— Pauvre Powis ! dit Ève avec une compassion que sa voix indiquait encore plus que ses paroles ; vous avez réellement beaucoup souffert pour un homme si jeune !

— J’ai appris à supporter la douleur, ma chère miss Effingham ; et j’ai été si longtemps un être isolé, à qui personne ne prenait aucun intérêt…

— Ne dites pas cela ! — Nous du moins, nous avons toujours pris intérêt à vous ; nous vous avons toujours estimé, et à présent nous avons appris…

— Appris quoi ?

— À vous aimer ! répondit Ève d’une voix si ferme qu’elle en fut surprise ensuite ; mais elle sentit qu’un être dans la situation où Paul se trouvait devait être traité avec une franchise bien différente de la réserve que son sexe est dans l’usage de montrer dans de pareilles occasions.

— Aimer ! s’écria Paul laissant échapper le bras d’Ève ; ah ! miss Effingham ! — Ève ! — sans ce nous

— Je veux dire mon père, — mon cousin John, — moi-même. — Un tel sentiment ne peut guérir une blessure comme la mienne ! Un amour partagé, même avec des hommes tels que votre excellent père et votre digne cousin, ne peut me rendre heureux. Mais comment, moi qui porte un nom auquel je n’ai pas de droit légal, moi qui ne me connais pas un seul parent paternel, comment pourrais-je aspirer à votre main ?

Les détours de l’allée qu’ils suivaient les avaient amenés près d’une fenêtre de la maison, d’où sortait une forte lumière qui tomba sur les traits d’Ève tandis qu’elle levait les yeux sur ceux