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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/371

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Mabel, nous consentirions joyeusement à vos souhaits ; mais ces messieurs s’imaginent que ce fort peut être utile à leurs opérations, et ils ont un vif désir de le posséder. Pour vous parler avec franchise, je vous dirai que, me trouvant, ainsi que votre oncle, dans une situation particulière, pour en éviter les conséquences, j’ai usé du pouvoir qui appartient à un officier de Sa Majesté, et conclu une capitulation verbale par laquelle je me suis engagé à abandonner le fort et l’île entière. C’est la fortune de la guerre, il faut s’y soumettre. Ainsi ouvrez la porte, jolie Mabel, avancez et confiez-vous aux soins de ceux qui savent comment on doit traiter la vertu et la beauté dans le malheur. Il n’y a point de courtisan en Écosse plus galant que ce chef, et connaissant mieux les lois du décorum.

— Pas quitter la forteresse, — murmura Rosée-de-juin, qui se tenait à côté de Mabel, attentive à tout ce qui se passait. Fort être bon, pas prendre de chevelure.

Notre héroïne allait céder sans ce conseil, car elle commençait à penser que le plus sage était de se concilier l’ennemi par des concessions, au lieu de l’exaspérer par la résistance. Muir et son oncle étaient au pouvoir des sauvages ; ces derniers savaient bien qu’il n’y avait plus d’hommes dans la forteresse, et elle pensait qu’ils pourraient bien abattre la porte, ou se frayer un chemin avec leurs haches à travers les troncs d’arbres, si elle refusait obstinément de les laisser entrer paisiblement, puisqu’ils n’avaient aucune raison de craindre les carabines. Mais les paroles de son amie la firent hésiter, et la pression expressive de la main de sa compagne, ainsi que ses regards suppliants, donnèrent de la force à une résolution qui commençait à faiblir.

— Pas encore prisonnière, — murmure l’Indienne. — Pas vous rendre avant vous être prisonnière ; vous parler hardiment ; moi les connaître.

Mabel parlementa plus résolument avec Muir, car son oncle semblait vouloir mettre sa conscience en repos en gardant le silence ; et elle expliqua nettement que son intention était de ne pas rendre le fort.

— Vous oubliez la capitulation, miss Mabel, — dit Muir ; — il y va de l’honneur d’un serviteur de Sa Majesté, dans cette affaire, et de l’honneur même de Sa Majesté par l’intermédiaire de son serviteur. Rappelez-vous que le point d’honneur militaire est aussi délicat que pointilleux.