Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’en sais assez, monsieur Muir, pour être certaine que vous n’avez aucun commandement dans cette expédition, et qu’ainsi vous ne pouvez avoir aucun droit de rendre le fort. D’ailleurs je me rappelle avoir entendu dire à mon père qu’un prisonnier perd toute son autorité pendant le temps de sa captivité.

— Purs sophismes, jolie Mabel. C’est une trahison envers le roi, ainsi qu’un déshonneur pour son nom comme pour le brevet d’officier. Vous ne persévérerez pas dans vos intentions, lorsque votre bon esprit aura eu le temps de réflechir et de peser les circonstances.

— Ce sont en effet de chiennes de circonstances, — murmura Cap.

— Pas faire attention à votre oncle, — dit Rosée-de-Juin qui était occupée dans un coin de la pièce. — Fort être bon, pas prendre de chevelure.

— Je resterai comme je suis, monsieur Muir, jusqu’à ce que j’aie des nouvelles de mon père. Il sera ici dans le cours d’une dizaine de jours.

— Ah ! Mabel, cet artifice ne trompera pas l’ennemi qui, par des moyens qu’on ne saurait expliquer, si nous ne soupçonnions d’infidélité un malheureux jeune homme, connaît toutes nos intentions et nos plans, et sait fort bien que le soleil ne se couchera pas avant que le digne sergent et ses compagnons soient en son pouvoir. Écoutez-moi, la soumission à la Providence est une vertu réellement chrétienne.

— Monsieur Muir, vous paraissez vous tromper sur la force de ce bâtiment et le croire plus faible qu’il n’est. Voulez-vous voir ce que je puis faire pour le défendre, si j’y étais disposée ?

— Je le veux bien, — répondit le quartier-maître.

— Que pensez-vous de cela, je vous prie ? regardez à la meurtrière de l’étage supérieur.

Aussitôt que Mabel eut parlé, tous les yeux se levèrent et aperçurent le canon d’une carabine passé à travers une meurtrière ; Rosée-de-Juin eut recours de nouveau à une ruse qui avait déjà été si utile ; le résultat fut satisfaisant. Les Indiens n’eurent pas plus tôt reconnu l’arme fatale, qu’ils firent un bond de côté, et en moins d’une minute chaque homme eut disparu dans les buissons. L’officier français arrêta ses yeux sur le canon du fusil pour s’assurer qu’il n’était pas pointé contre lui, et il prit tranquillement une prise de tabac. Comme Muir et Cap