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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/140

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un genou devant elle, je suis charmée de vous voir de retour. Nous nous entendons enfin sur tous les points, et j’espère que désormais nous travaillerons de concert et avec ardeur pour arriver ver au même but. Levez-vous, Séñor, voici ma main en gage de mon appui et de mon amitié.

Colomb baisa la main qui lui était offerte, et se releva. Parmi les témoins de cette scène, il ne se trouvait probablement personne dont le cœur en ce moment ne s’ouvrit à l’espérance ; car une chose remarquable dans l’origine et l’exécution de cette grande entreprise, c’est qu’après de si longues sollicitations, au milieu des doutes, des sarcasmes et de la dérision, elle fut enfin adoptée avec une sorte d’enthousiasme.

— Señora, répondit Colomb, dont l’air noble et la physionomie grave ne contribuèrent pas peu à la réussite de son dessein, je vous remercie du fond du cœur de vos bontés. J’y suis d’autant plus sensible, que je m’y attendais moins ce matin. Dieu vous en récompensera. Il nous réserve de grandes choses, et je désire que nous soyons tous en état de nous acquitter de nos différents devoirs. J’espère que Son Altesse le roi ne refusera pas à mon entreprise l’honneur de sa gracieuse protection.

— Vous êtes au service de la Castille, señor Colon, quoiqu’on fasse peu de chose, même en ce royaume, sans l’approbation et le consentement du roi d’Aragon. Nous ayons réussi à faire entrer don Ferdinand dans nos vues, quoique sa prudence supérieure et sa plus haute sagesse n’aient pas adopté vos projets aussi aisément qu’une femme plus accessible à la confiance et à l’espoir.

— La sagesse et la confiance d’Isabelle me suffisent, et c’est tout ce que je demande, répondit le navigateur avec une gravité qui rendait ce compliment d’autant plus agréable qu’elle en prouvait la sincérité ; — sa prudence bien connue me mettra à l’abri de la dérision des esprits légers et des oisifs, et je place toutes mes espérances sur sa parole royale. Désormais, et j’espère pour toujours, je suis le sujet et le serviteur de Votre Altesse.

La reine fut frappée de l’air de vérité qui régnait dans les expressions et dans les manières du Génois. Jusqu’alors elle le connaissait très-peu, et elle ne l’avait jamais vu dans des circonstances qui la missent aussi à portée d’éprouver l’influence de ses discours et de sa physionomie. Les manières de Colomb n’avaient pas ce raffinement qu’on s’imagine que les cours seules peuvent donner, et qu’il serait plus juste d’attribuer aux habitudes d’une