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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/220

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voyages, ce ne serait guère plus que moitié de la distance qu’un bâtiment bon voilier peut parcourir dans les mêmes circonstances données.

Quand le soleil se coucha, à la fin de la première journée de marche, nos aventuriers avaient fait voile, suivant les propres termes de Colomb, avec une forte brise pendant onze heures, depuis qu’ils avaient passé la barre. Ils n’étaient pas encore à cinquante milles au sud du lieu de leur départ ; la terre avait entièrement disparu de ce côté dans les environs de Palos, ainsi que la partie de la côte qui se prolongeait à l’est ; et il n’y avait que les yeux expérimentés des plus anciens marins qui pussent encore distinguer les cimes de quelques-unes des montagnes de Séville, à l’instant où le disque radieux du soleil se plongeait dans la mer au couchant. Colomb et Luis étaient revenus se placer sur la dunette, et contemplaient avec intérêt les dernières ombres jetées par les terres d’Espagne, tandis que deux marins travaillaient à peu de distance à épisser un cordage usé par le frottement. Ces deux hommes étaient assis sur le pont, et comme ils se tenaient un peu à l’écart par respect pour l’amiral, celui-ci ne s’aperçut pas aussitôt de leur présence.

— Voilà le soleil qui se couche derrière les vagues de l’Atlantique, señor Gutierrez, dit Colomb, qui avait toujours soin de donner à don Luis un de ses noms supposés, quand il avait à craindre que quelqu’un ne pût l’entendre ; le soleil nous quitte en ce moment, et dans sa course journalière je trouve une preuve de la forme sphérique de la terre et de la justesse de la théorie qui nous apprend qu’on peut arriver au Cathay en voguant à l’ouest.

— Je suis toujours prêt à admettre la sagesse de vos pensées, de vos plans et de vos espérances, don Christoval, répondit Luis dont les discours et les manières annonçaient toujours un véritable respect pour l’amiral ; mais j’avoue que je ne puis voir ce que la course journalière du soleil a de commun avec la position du Cathay et la route qui y conduit. Nous savons que ce grand astre voyage sans interruption dans les cieux, qu’il sort de la mer tous les matins et qu’il y rentre tous les soirs ; mais il le fait sur les côtes de la Castille aussi bien que sur celles du Cathay, pour ou contre le succès de notre voyage.

Tandis qu’il parlait ainsi, les deux malins interrompirent leur travail et levèrent les yeux sur l’amiral, curieux d’entendre sa