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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/221

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réponse. Luis s’aperçut en ce moment que l’un d’eux était Pépé, et il lui fit un signe de reconnaissance ; l’autre lui était inconnu. Ce dernier avait tout l’extérieur d’un vrai marin de cette époque, ou de ce qu’on aurait appelé en anglais et dans les langues du nord de l’Europe, un vrai loup de mer, terme qui exprime l’idée d’un homme si complètement identifié avec l’Océan par ses habitudes, que son air, ses pensées, son langage et même sa moralité s’en ressentent. Il semblait approcher de la cinquantaine ; sa taille était peu élevée ; ses membres annonçaient la vigueur, mais ses traits lourds et grossiers avaient cette apparence moitié brute, moitié intelligente, qu’offre assez souvent la physionomie des hommes doués d’une gaieté et d’un bon sens naturel, mais qui n’ont connu que les jouissances terrestres et sensuelles. Colomb reconnut du premier coup d’œil un marin d’élite, non seulement à son air, mais au travail dont il s’occupait, travail qui ne pouvait être bien exécuté que par les marins les plus habiles de chaque équipage.

— Voici comme je raisonne, Señor, répondit l’amiral : Le soleil n’a pas reçu la loi de voyager ainsi autour de la terre sans un motif suffisant, car la providence de Dieu agit d’après une sagesse infinie. Il n’est pas probable qu’un astre si généreux et si utile ait été destiné à répandre sans fruit une partie de ses bienfaits. Nous sommes déjà certains que le jour et la nuit marchent de l’est à l’ouest au-dessus de cette terre, aussi loin qu’elle nous est connue, et j’en conclus qu’il règne, dans l’ensemble de ce système, une harmonie en vertu de laquelle cet astre glorieux répand sans interruption ses bienfaits sur les hommes, ne quittant une portion de la terre que pour arriver à une autre. Le soleil, qui vient de nous abandonner, est encore visible dans les Açores, et il éclairera Smyrne et les îles de la Grèce une heure au moins avant que nos yeux le revoient. La nature n’a rien fait qui n’ait son utilité : je crois donc que le Cathay recevra la lumière de l’astre qui vient de disparaître, pendant que les ténèbres les plus épaisses de la nuit nous envelopperont, et que cet astre, revenant par l’est au-dessus du grand continent de l’Asie, viendra se montrer de nouveau à nos yeux demain matin. En un mot, ami Pédro, ce que le soleil exécute maintenant avec tant de rapidité dans les cieux, nous l’exécutons, nous, mais dans de moindres proportions, avec nos caravelles. Donnez-nous le temps nécessaire, et, après avoir fait le tour de la terre, nous reviendrons à notre point