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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/251

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sorte de déférence aveugle qui marque la soumission de l’inférieur envers son supérieur dans de telles circonstances.

Quand Colomb se fut retiré dans sa chambre pour la nuit, et après avoir calculé la route qu’on avait faite pendant cette journée, Luis remarqua que sa physionomie était encore plus grave que de coutume.

— J’espère que tout va au gré de vos désirs, don Christophe, lui dit-il avec gaieté. Nous voici enfin tout de bon en route, et mes yeux croient déjà voir le Cathay.

— Vous avez en vous, don Luis, un enthousiasme qui vous rend distinct ce que vous désirez voir, et qui n’emprunte que des couleurs gaies pour tout ce qui se peint à vos yeux. Quant à moi, mon devoir est de voir les choses telles qu’elles sont ; et quoique le Cathay soit visible aux yeux de mon esprit, ; — toi seul, ô mon Dieu, toi qui, pour accomplir tes vues impénétrables, as fait naître dans mon cœur le désir de voir ce pays éloigné, tu sais jusqu’à quel point mon esprit me le montre ; — cependant je dois tenir compte des obstacles physiques qui peuvent nous empêcher d’y arriver.

— Et ces obstacles deviennent-ils plus sérieux que nous ne le voudrions, Señor ?

— Ma confiance est toujours en Dieu. — Regardez ici, ajouta Colomb en mettant un doigt sur sa carte ; voilà le point d’où nous sommes partis ce matin, et voici celui où nous sommes arrivés après le travail de toute la journée et du commencement de cette nuit. Tout l’espace que nous avons parcouru n’occupe que la largeur d’une ligne sur ce papier, et vous voyez quel vaste désert d’eau il nous reste à traverser avant de parvenir au terme de notre voyage. D’après mes calculs, malgré tous nos efforts, et en ce moment critique, — critique, non seulement en ce qui concerne les Portugais, mais encore relativement aux dispositions de nos équipages, — nous n’avons fait aujourd’hui que neuf lieues, ce qui est bien peu de chose relativement au nombre de celles que nous avons à faire. Si cela dure, nous avons à craindre de manquer d’eau et de vivres.

— Don Christophe, j’ai toute confiance dans les ressources de vos connaissances et de votre expérience.

— Et moi, j’ai toute confiance dans la protection de Dieu, et j’espère qu’il n’abandonnera pas son serviteur dans le moment où il a le plus grand besoin de son appui.

Colomb se prépara à prendre quelques minutes de repos, mais