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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/252

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sans quitter ses vêtements, l’inquiétude que lui faisait éprouver la position de ses bâtiments ne lui permettant pas de se déshabiller. Cet homme célèbre vivait dans un siècle où une fausse philosophie et l’exercice d’une insuffisante quoique orgueilleuse raison, n’empêchaient que peu de personnes d’avouer franchement et tout haut leur confiance dans une puissance divine : nous disons tout haut, car nul homme, quelle que soit l’étendue de ses illusions sur ce sujet, ne croit réellement être complètement en état de se protéger lui-même. Une loi de la nature défend cette confiance absolue en soi-même, la conscience de chacun l’avertissant de sa véritable insuffisance, et lui démontrant tous les jours, à toute heure et même à chaque minute, qu’il n’est qu’un faible agent chargé par un pouvoir supérieur d’accomplir ses grands et mystérieux desseins pour les motifs sublimes et bienfaisants qui lui ont fait créer le monde et tout ce qu’il contient. En conformité à l’usage de ce temps, Colomb se mit à genoux et fit une prière fervente avant de se coucher, et Luis de Bobadilla n’hésita pas à suivre son exemple, et à faire également ce que peu de personnes croyaient alors au-dessous de leur intelligence et de leur raison. Si, dans le xve siècle, la religion était entachée de superstition, si l’on se fiait trop à l’efficacité d’impulsions momentanées et passagères, il faut convenir aussi qu’elle avait un caractère de soumission à la volonté divine, et il est permis de se demander si le monde a gagné quelque chose à ce qu’elle ait perdu de cet aimable caractère.

La première lueur du jour amena l’amiral et Luis sur le pont. Ils montèrent sur la dunette, et s’y mirent à genoux pour faire de nouveau leurs prières ; après quoi, cédant à un sentiment bien naturel dans leur position, ils se levèrent avec empressement pour voir ce que leur révélerait la clarté naissante. L’approche de l’aurore et le lever du soleil sur mer ont été si souvent décrits, qu’il serait inutile d’en faire ici une nouvelle description. Cependant nous dirons que Luis admira les brillantes couleurs dont l’horizon se parait à l’orient ; et qu’avec l’enthousiasme d’un amant il s’imagina trouver une ressemblance entre celles qu’appelaient sur les joues ingénues de Mercédès les émotions qui l’agitaient, et les teintes douces et passagères qui précèdent une belle matinée de septembre, surtout dans les basses latitudes. Quant à l’amiral, ses regards étaient fixés dans la direction de l’île de Fer, et il attendait l’accroissement de la lumière pour voir quels