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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/269

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ses os avec sa cargaison et son équipage dans les profondeurs de l’Océan.

— Tu as raison, Sancho, dit l’amiral ; je vois à présent l’objet dont tu parles. C’est véritablement un mât, ce qui est sans doute la preuve d’un naufrage.

Ce fait passa rapidement de bouche en bouche, et la tristesse qui suit toujours les preuves d’un tel désastre se montra bientôt sur toutes les physionomies. Les pilotes seuls montrèrent de l’indifférence, et tinrent conseil entre eux pour savoir s’ils devaient tâcher de s’emparer de ce mât pour s’en faire une ressource en cas de besoin ; mais ils y renoncèrent, attendu que la mer était agitée et le vent favorable, avantage qu’un bon marin n’aime jamais à perdre.

— C’est un avertissement pour nous, s’écria un des mécontents, pendant que la Sante-Maria s’éloignait du mât flottant. Dieu nous a envoyé ce signe pour nous avertir de ne pas nous hasarder là où il n’a jamais eu dessein que des navigateurs se montrassent.

— Dites plutôt, répliqua Sancho, qui, depuis qu’il avait reçu ses honoraires, avait été invariablement l’avocat de l’amiral, dites plutôt que c’est un signe d’encouragement que le ciel nous envoie. Ne voyez-vous pas que la partie de ce mât qui est visible a la forme d’une croix, et que la vue de ce symbole sacré doit nous inspirer l’espoir du succès ?

— C’est la vérité, Sancho, dit l’amiral. — Une croix a été en quelque sorte élevée du milieu de l’Océan pour notre édification, et nous devons regarder ce signe comme une preuve que la Providence nous accompagne dans la tentative que nous faisons pour porter aux païens de l’Asie les secours et les consolations de notre sainte religion.

Comme la ressemblance du mât avec le symbole de la croyance des chrétiens était loin d’être imaginaire, cette heureuse idée de Sancho produisit quelque effet. Le lecteur comprendra mieux cette ressemblance quand il saura que les barres traversières des hunes donnent au sommet d’un mât à peu près l’apparence d’une croix ; et que, comme cela arrive souvent, ce mât flottait perpendiculairement, quelque chose de pesant étant attaché à son pied, en laissant le haut saillir de quinze à vingt pieds au dessus de la surface de l’eau. Au bout d’un quart d’heure, ce dernier