Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les yeux. Les marins de Cadix s’imaginèrent qu’ils étaient dans les environs de quelques îles submergées, et le vent le leur permettant, ils retournèrent chez eux. Suivant moi, nous sommes dans les mêmes parages, mais je ne m’attends pas à y trouver la terre, à moins que quelque île n’ait été placée ici dans l’Océan, comme un lieu de relâche entre les côtes de l’Europe et celles de l’Asie. Sans doute la terre d’où viennent ces herbes n’est pas très-éloignée, mais j’attache peu d’importance à la voir ou à la découvrir. Le Cathay est mon but, don Luis, et je cherche des continents et non des îles.

On sait maintenant que, si Colomb ne se trompait pas en croyant qu’il ne trouverait pas un continent à si peu de distance de l’Europe, il se trompait du moins en supposant qu’il existait quelque île dans les parages où il se trouvait alors. Ces herbes sont-elles rassemblées par la force des courants, ou poussent-elles au fond de la mer, d’où elles seraient arrachées par l’action des eaux ? c’est ce dont on n’a pas encore la parfaite certitude, quoique la dernière opinion soit la plus généralement adoptée, des bas-fonds très-étendus existant dans cette partie de l’Océan. D’après cette dernière supposition, les marins de Cadix étaient plus près de la vérité qu’on ne le croirait d’abord, une île submergée ayant tous les caractères d’un bas-fond, exception faite de ceux qu’on peut supposer inhérents au mode de sa formation.

On n’aperçut aucune terre. Les bâtiments continuaient de faire route à raison de cinq milles par heure ou à peu près, rejetant à droite et à gauche les herbes quelquefois accumulées en masse devant eux, mais sans opposer aucun obstacle sérieux à leur marche. Quant à l’amiral, l’immense élévation de ses vues, son opinion bien prononcée sur le grand problème géographique qu’il se proposait de résoudre ; enfin, son invincible résolution de persévérer dans ses projets jusqu’à ce qu’il les eût accomplis, tout le portait à désirer ne pas rencontrer les îles qu’il croyait à peu de distance, plutôt qu’à les découvrir. Ces vingt-quatre heures portèrent la flottille à plus de cent milles à l’ouest, et la placèrent presque à égale distance des méridiens qui bornent les côtes occidentale et orientale des deux continents, quoique beaucoup plus près de l’Afrique que de l’Amérique, d’après le parallèle de latitude sur lequel on avançait. Comme le vent continuait à être favorable, et l’eau de la mer aussi lisse que celle d’une rivière, les trois bâtiments se maintinrent à peu de distance les