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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/287

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que prouve le faux calcul de la route journalière destiné par lui à passer sous les yeux de tout le monde à bord, tandis qu’il gardait devers lui le véritable ; mais il n’existe aucune preuve que la circonstance dont il vient d’être question fût une de celles où il eut recours à de pareils moyens. Même à l’époque où la variation de la boussole était encore inconnue, nul homme ayant quelque science ne croyait que l’aiguille magnétique se dirigeât nécessairement vers l’étoile polaire, la coïncidence de la direction de cette aiguille et de la position de ce corps céleste étant regardée comme accidentelle. On peut donc raisonnablement supposer que l’amiral, fort en état de s’assurer que la boussole qui était entre ses mains n’avait visiblement rien perdu de sa vertu, tandis qu’il ne pouvait raisonner sur les évolutions de l’étoile que d’après une analogie supposée, ne pouvait penser qu’un ami qu’il avait toujours trouvé si fidèle l’eût tout à coup abandonné, et se trouvait disposé à rejeter tout le mystère du phénomène sur un corps placé bien plus loin dans l’espace. Il a été émis deux opinions contradictoires sur le degré de conviction du célèbre navigateur relativement à la théorie qu’il tendait à établir dans cette circonstance : la première, qu’il était de bonne foi ; la seconde, qu’il se trompait sciemment. Quoi qu’il en soit, les partisans de cette seconde opinion paraissent eux-mêmes raisonner d’une manière peu concluante, car leur principal argument repose sur l’invraisemblance qu’un homme tel que Colomb adoptât une erreur si grossière dans la science nautique, à une époque où cette science ne faisait pas plus connaître l’existence du phénomène en question qu’elle n’en explique aujourd’hui la cause. Il est possible cependant que l’amiral n’ait pas en des idées bien arrêtées à cet égard, même en supposant qu’il ait été disposé à croire à la justesse de son explication ; car il est certain qu’au milieu de l’ignorance de son siècle en astronomie et en géographie, cet homme extraordinaire entrevit plusieurs vérités exactes et sublimes, qui n’avaient pas encore été développées et démontrées par des arguments positifs.

Heureusement la lumière du jour, en fournissant le moyen de s’assurer d’une manière indubitable de la variation de l’aiguille, permit aussi de voir la mer encore couverte d’herbes, et quelques autres signes qui semblaient encourageants en ce qu’ils annonçaient la proximité de la terre. D’ailleurs, comme le courant suivait alors la même direction que le vent, la surface de la mer