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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/290

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tendait à chaque instant à découvrir la terre. Cependant les dernières teintes du soir s’éteignirent à l’horizon, et les ténèbres couvrirent l’Océan, sans amener aucun changement matériel. Une brise agréable soufflait encore du sud-est, et la surface de l’eau n’était pas plus ridée que ne l’est ordinairement celle d’une grande rivière. La dissidence entre les aiguilles et l’étoile polaire continuait à augmenter légèrement, et personne ne doutait plus qu’elle ne fût attribuée à ce corps céleste. Cependant les bâtiments avançaient vers le sud, gouvernant, de fait, à l’est quart sud-ouest, tandis qu’ils croyaient gouverner à l’ouest ; circonstance qui empêcha seule Colomb d’arriver sur les côtes de la Géorgie ou des Carolines, car, quand même il eût manqué les Bermudes, le courant du détroit de Bahama l’aurait infailliblement porté au nord, quand il se serait approché du continent.

La nuit se passa comme de coutume ; et à midi, c’est-à-dire à la fin du jour nautique, la flotte avait laissé un nouvel et long espace entre elle et l’ancien monde. Les herbes marines disparaissaient, et avec elles les thons, qui, dans le fait, se nourrissaient du produit des bas fonds situés à plusieurs milliers de pieds plus près de la surface de l’eau qu’ils ne le sont ordinairement dans le lit de l’Atlantique. Les bâtiments avaient coutume de se tenir près l’un de l’autre à midi, afin de comparer leurs observations ; mais la Pinta, qui, comme un coursier fougueux, était difficile à retenir, resta en avant jusqu’au milieu de l’après-midi. Alors elle mit en panne, suivant l’usage, pour donner à l’amiral le temps d’arriver. Lorsque la Santa-Maria approcha, Martin Alonzo Pinzon resta debout le chapeau à la main, attendant que la caravelle fût à portée de sa voix pour parler à l’amiral.

— Señor don Christophe, s’écria-t-il d’un ton joyeux, tandis que la Pinta établissait ses voiles de manière à ce que l’amiral se maintînt dans son sillage, Dieu nous accorde de nouveaux signes annonçant la terre, de nouveaux motifs d’encouragement. Nous avons vu voler de grandes troupes d’oiseaux en avant de nous ; et les nuages, du côté du nord, paraissent lourds et épais, comme s’ils flottaient sur quelque île ou sur un continent.

— Vos nouvelles sont bonnes, digne Martin Alonzo ; mais je vous prie de vous rappeler que tout ce que je puis espérer de rencontrer sous cette longitude, c’est quelque groupe de belles îles, car l’Asie est encore à plusieurs journées devant nous. À mesure que la nuit approchera, vous verrez ces nuages prendre