Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/291

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davantage encore la forme de la terre, et je suis porté à croire que nous avons en ce moment quelques groupes d’îles à notre droite et à notre gauche. Mais le Cathay est notre destination, et des hommes qui ont un tel but devant eux ne peuvent se détourner de leur route pour aucune considération subalterne.

— Ai-je votre permission, noble amiral, de pousser en avant avec la Pinta, afin que nos yeux soient les premiers à jouir de la vue agréable de l’Asie ? Je ne doute pas que nous ne la voyions avant le jour.

— Allez, brave pilote, allez, au nom du ciel, si vous pensez ainsi ; mais je vous avertis que vos yeux ne peuvent pas encore voir le continent. Cependant, comme toute terre, dans ces mers inconnues et lointaines, doit être une découverte, et faire honneur à la Castille et à nous-mêmes, celui qui l’apercevra le premier méritera une récompense. Vous avez donc, vous et tout autre, pleine permission de découvrir des îles et des continents par milliers.

Cette saillie fit rire les équipages, car on rit aisément quand on a le cœur gai ; et la Pinta reprit l’avance. Au coucher du soleil, on la revit de nouveau, car elle avait mis en panne pour attendre ses deux bâtiments de conserve. Ce n’était alors qu’un point noir en avant d’un horizon brillant des teintes glorieuses du soleil couchant. Du côté du nord, l’horizon présentait des masses de nuages dans lesquels l’imagination pouvait aisément se représenter des sommets de montagnes escarpées, des vallées retirées, des caps et des promontoires que la distance montrait en raccourci.

Le lendemain, pour la première fois depuis qu’ils avaient rencontré les vents alizés, le vent fut faible et variable. Les nuages se rassemblèrent sur la tête des navigateurs et laissèrent échapper une pluie fine. Très-peu de distance séparait alors les trois bâtiments, et des esquifs passaient et repassaient sans cesse de l’un à l’autre.

— Señor amirante, dit Martin Alonzo en montant sur le pont de la Santa-Maria, je viens, à la demande unanime des hommes de mon équipage, vous prier de faire gouverner au nord pour y chercher la terre, continent ou îles, qui s’y trouve sans aucun doute, et assurer ainsi à cette grande entreprise la gloire due à nos illustres souverains, et à vous-même qui avez conçu l’idée de cette découverte.