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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/294

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Le grand amas d’herbes dans ces parages est un fait rendu authentique par quelques-uns des plus anciens monuments des recherches humaines, et cette circonstance est probablement due à quelque effet des courants qui tend à les accumuler ainsi. Quant aux oiseaux, on doit les considérer comme des individus isolés, attirés loin de leurs demeures ordinaires par la nourriture que peut leur procurer la réunion des herbes et des poissons. Les oiseaux aquatiques peuvent toujours se reposer sur l’eau, et l’oiseau qui peut fendre l’air à raison de trente et même de cinquante milles par heure, n’a besoin que d’une force suffisante pour traverser l’Océan atlantique en quatre jours.

Malgré tous ces signes favorables, les différents équipages sentirent bientôt de nouveau le poids du découragement. Sancho, qui était en communication constante mais secrète avec l’amiral, eut soin de l’informer de cette disposition des esprits, et lui dit un jour que les matelots murmuraient plus que jamais, une réaction soudaine les ayant fait passer d’une espérance trop vive à un désespoir presque absolu. Colomb apprit cette nouvelle à l’instant où le soleil se couchait, le 20 septembre, onzième jour depuis qu’ils avaient perdu de vue la terre, tandis que le vieux marin feignait d’être occupé sur la dunette, où il faisait ordinairement ses rapports à son commandant.

— Ils se plaignent de ce que l’eau est trop lisse, continua Sancho, et ils disent que, lorsque le vent se promène sur ces mers, il vient toujours de l’est, n’ayant pas le pouvoir de souffler d’un autre côté ; ils pensent que les calmes prouvent que nous arrivons dans une partie de l’Océan où le vent nous manquera tout à fait, et que les vents d’est sont envoyés par la Providence pour y pousser des gens qui ont déplu au ciel par une curiosité qui n’a jamais été destinée à être le partage d’un être portant barbe.

— Tâche d’encourager ces pauvres diables, Sancho, en leur rappelant qu’en tout temps il règne des calmes dans toutes les mers ; et quant aux vents d’est, ne sait-on pas qu’ils soufflent de la côte d’Afrique, dans les basses latitudes, en toute saison, et qu’ils suivent le soleil dans sa course journalière autour de la terre ? J’espère que tu n’as aucune de ces sottes craintes ?

— Je cherche à conserver un cœur ferme, señor don amirante, n’ayant personne devant moi à qui je puisse causer de la honte, et ne laissant après moi personne qui puisse me regretter. Cepen-