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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/362

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tarda pas à apprendre que c’étaient les femmes et les enfants de Mattinao. À force de gestes accompagnés de quelques paroles, en employant enfin tous les moyens de communication auxquels les Espagnols avaient recours dans leurs relations avec les naturels, il réussit aussi à s’assurer du degré de parenté qui existait entre le cacique et Ozéma. Une sorte de sensation de plaisir émut son cœur au moment où il apprit que la jeune et belle Indienne n’était pas mariée ; et cette sensation, il fut disposé, peut-être avec raison, à l’attribuer à une susceptibilité jalouse produite par sa ressemblance avec Mercédès.

Luis passa le reste de cette journée et les trois jours suivants dans ce séjour champêtre, qui était la résidence favorite et sacrée de son ami le cacique. Comme de raison, il était pour ses hôtes un sujet de plus de curiosité qu’eux-mêmes ne l’étaient pour lui. Ils prenaient mille libertés innocentes, examinant tous ses vêtements et les ornements qu’il portait, et ne manquant pas de comparer la blancheur de sa peau à la teinte plus rouge de celle de Mattinao. En ces occasions, c’était Ozéma qui montrait le plus de réserve et de timidité, quoiqu’elle suivît des yeux tous les mouvements de ses compatriotes et que sa physionomie indiquât l’intérêt qu’elle prenait à tout ce qui concernait l’étranger. Étendu sur une natte odoriférante, Luis passait souvent des heures entières auprès de cette aimable et innocente créature, étudiant l’expression de ses traits, dans l’espoir d’y trouver une ressemblance de plus en plus forte avec ceux de Mercédès, et s’oubliant quelquefois jusqu’à n’y voir que ce qui appartenait exclusivement à la jeune Indienne. Cependant il cherchait à obtenir aussi d’utiles renseignements sur cette île ; et soit que cela provînt du rang supérieur d’Ozéma, ou de la supériorité naturelle de son esprit, ou du charme de ses manières, il s’imagina bientôt que la jolie sœur du cacique réussissait mieux à lui faire comprendre ce qu’elle voulait dire qu’aucune des femmes de Mattinao et que le cacique lui-même. C’était donc à Ozéma que Luis adressait la plus grande partie de ses questions ; et avant la fin de la première journée, cette jeune fille attentive et intelligente avait fait plus de progrès pour établir des communications intelligibles entre les Espagnols et ses concitoyens, qu’on n’avait pu y parvenir depuis plus d’un mois. Elle retenait les mots espagnols avec une facilité en quelque sorte instinctive, et elle les prononçait avec un accent qui les rendait plus doux et plus agréables encore pour l’oreille.