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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/363

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Luis de Bobadilla était tout juste aussi bon catholique que pouvait l’être un homme de son rang, de son âge, de son tempérament, et qui avait toujours mené une vie errante ou vécu dans les camps. Cependant, dans ce siècle où la plupart îles laïques montraient un profond respect pour la religion, qu’ils se soumissent ou non à son influence purifiante, on rencontrait peu d’esprits forts, et encore n’en existait-il que parmi les hommes qui passaient leur vie dans le silence du cabinet, ou même parmi les moines dont quelques-uns n’avaient pris le capuchon que comme un masque pour cacher leur incrédulité. Ses relations fréquentes avec Colomb avaient aussi contribué à fortifier le penchant de notre héros à croire à la surveillance constante de la Providence, et il se trouvait très-disposé à penser que la facilité extraordinaire que montrait Ozéma pour apprendre une langue étrangère était l’une de ces voies presque miraculeuses dont le résultat devait être d’accélérer l’introduction de la religion du Christ parmi les naturels du pays. Les regards attachés sur les yeux étincelants, quoique pleins de douceur, de cette jeune fille, l’oreille attentive, pendant qu’elle faisait tous ses efforts pour lui faire comprendre ce qu’elle voulait dire, il se flattait souvent qu’il était destiné à amener ce grand événement par l’intermédiaire d’une si charmante personne. L’amiral avait aussi fait sentir à Luis l’importance de s’assurer, s’il était possible, de la position des mines d or ; et il avait réussi à faire comprendre à Ozéma ses questions sur un sujet qui occupait presque exclusivement la pensée des Espagnols. Les réponses de la jeune Indienne à ce sujet étaient moins intelligibles qu’il ne l’aurait désiré, ou bien il ne les croyait jamais assez étendues, et en les lui faisant répéter il s’imaginait ne faire autre chose que se conformer aux vues de Colomb.

Le lendemain de son arrivée, on chercha à amuser notre héros par quelques-uns des jeux en usage chez ces insulaires. On en a fait si souvent la description, qu’il est inutile de la répéter ici. Ils étaient entièrement pacifiques ; mais dans tous les exercices qui exigeaient de la grâce et de l’adresse, la jeune princesse se fit particulièrement remarquer. Luis fut invité à y prendre part, et comme il était aussi agile que vigoureux, il remporta aisément la palme sur son ami Mattinao. Le jeune cacique n’en montra ni jalousie ni mécontentement et sa sœur riait et battait des mains de plaisir quand il était surpassé, dans les exercices de son pays,