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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/376

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toilette avec une coquetterie indienne, et la fraîcheur de ses joues ajoutait encore un nouvel éclat à ses yeux brillants. Sa taille svelte et légère, modèle de grâce sans art, semblait si éthérée qu’elle touchait à peine la terre. Le sujet de ce changement subit ne fut pas longtemps un mystère pour Luis. Le frère et la sœur, après avoir passé en revue leurs dangers et la manière dont ils en étaient sortis, et se rappelant le caractère et les projets de Caonabo, en étaient venus à conclure qu’il n’y avait de refuge pour Ozéma que dans la fuite. Il serait inutile de demander ce qui déterminait le frère à laisser sa sœur accompagner les étrangers dans leur pays lointain ; mais le motif d’Ozéma ne peut être un secret pour le lecteur. On savait que l’amiral désirait emmener en Espagne quelques naturels ; et trois femmes, dont une était du rang d’Ozéma, avaient consenti à partir : cette femme d’un chef était non seulement connue d’Ozéma, mais encore sa parente. Tout semblait propice à ce dessein, et comme un voyage en Espagne était encore un mystère pour les naturels, qui le regardaient comme un passage semblables celui d’une de leurs îles à une autre, aucune difficulté redoutable ne se présenta à l’esprit soit du cacique, soit de sa sœur.

Cette proposition prit notre héros par surprise. Il était en même temps flatté et joyeux du dévouement d’Ozéma, et cependant il en était troublé ; peut-être y avait-il des instants où il doutait un peu de lui-même. Cependant Mercédès régnait dans son cœur, et il rejeta cette pensée, comme un soupçon qu’un véritable chevalier ne pouvait concevoir sans insulter à son propre honneur. Une seconde réflexion lui présenta moins d’objection à ce plan qu’il n’en avait supposé d’abord, et après une heure de discussion, il quitta Ozéma pour aller consulter l’amiral.

Christophe Colomb était toujours à la forteresse ; il écouta notre héros avec gravité et intérêt. Une ou deux fois les yeux de Luis se baissèrent sous le regard observateur de l’amiral, mais au total il s’acquitta d’une manière convenable de la tâche dont il s’était chargé.

— La sœur d’un cacique, dites-vous, don Luis ? répondit l’amiral d’un air pensif ; une jeune vierge sœur d’un cacique ?

— Oui, don Christophe, et d’une grâce, d’une naissance, d’une beauté, qui donneront à notre maîtresse la reine la plus haute idée du mérite de notre découverte.

— Vous vous rappellerez, señor comte, que la pureté seule