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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/377

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peut être offerte à la pureté. Doña Isabelle est le modèle des reines, des mères et des épouses, et rien qui puisse blesser son esprit angélique ne doit lui être offert par ses dévoués serviteurs. Ou n’a pas cherché à tromper cette jeune fille pour la conduire au péché et à la misère ?

— Christophe, vous ne pouvez penser ainsi de moi. Doña Mercédès elle-même n’est pas plus innocente que la jeune fille dont je veux parler, et le frère de celle-ci ne peut avoir plus de sollicitude pour son bonheur que je n’en ai moi-même. Lorsque le roi et la reine auront satisfait leur curiosité, et l’auront congédiée, j’ai l’intention de les placer sous la protection de la doña de Valverde.

— Plus les échantillons que nous prendrons seront rares, Luis, et mieux cela vaudra. Cela fera plaisir à nos souverains, et leur donnera une idée favorable de nos découvertes, comme vous le dites. Il est vrai que la Niña est un petit bâtiment, mais nous gagnons de la place en laissant beaucoup de monde derrière nous. J’ai abandonné la principale chambre aux femmes, car vous et moi nous serons toujours assez bien pour quelques semaines ; que la jeune fille vienne donc, et veillez à ce qu’elle ne manque de rien.

Ces derniers mots terminèrent l’affaire. De bonne heure, le jour suivant, Ozéma s’embarqua, emportant avec elle les simples richesses d’une princesse indienne, parmi lesquelles le turban fut soigneusement conservé. Sa parente avait à son service une fille qui devait leur suffire à toutes deux. Luis eut grand soin de prendre à cet égard des arrangements dans lesquels les aises et les convenances furent également respectées. Les adieux d’Ozéma et de Mattinao furent tendres et touchants, car les affections domestiques paraissaient avoir été cultivées à un haut degré par ce peuple simple d’esprit et doux de cœur. Mais on supposait que la séparation serait courte, et Ozéma avait de nouveau assuré son frère que sa répugnance pour Caonabo, quelque puissant que fût ce cacique, était insurmontable : chaque heure l’augmentait et donnait plus de force à sa résolution de ne jamais être sa femme. Elle n’avait point d’autre alternative que de se cacher dans l’île ou de faire le voyage d’Espagne. Dans ce dernier parti il y avait autant de sécurité que de gloire. Ainsi consolés, le frère et la sœur se séparèrent.

Colomb avait eu l’intention de pousser plus loin ses découvertes