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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/379

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l’Océan où les vents alisés dominent, et, atteint une latitude parallèle à la hauteur de Palos. En faisant ce long détour, la Niña, contre l’expérience du premier voyage, fut continuellement arrêtée par la lenteur de la Pinta. Ce bâtiment, dont le mât d’artimon était craqué, n’était pas capable de supporter beaucoup de voiles, et des brises légères favorisaient la Niña, qui avait toujours été regardée comme un bâtiment bon voilier, sur une mer unie et par un vent léger.

La plupart des phénomènes du premier voyage furent observés au retour ; mais les thons n’excitèrent plus d’espérances, les herbes marines n’inspirèrent plus de craintes. On dépassa lentement mais sans danger, ces objets familiers, et l’on atteignit heureusement les vents variables, dans la première quinzaine. Alors les bordées devinrent nécessairement de plus en plus compliquées, et enfin les pilotes, peu habitués à une navigation si longue et si difficile, dans laquelle il n’étaient aidés ni par la terre, ni par l’eau, devinrent moins sûrs de leurs calculs, et finirent par se disputer avec chaleur sur leur position réelle.

— Vous avez entendu aujourd’hui, Luis, dit l’amiral en souriant, dans une de ses conférences habituelles avec notre héros, les altercations de Vincent Yañez avec son frère Martin Alonzo et les autres pilotes, relativement à la distance où nous sommes de l’Espagne. Ces changements de vent continuels ont embarrassé les honnêtes marins, et ils se croient dans toutes les parties de l’Atlantique, excepté dans celle où nous sommes réellement !

— Beaucoup dépend de vous, Señor ; non seulement notre sûreté, mais la connaissance de nos grandes découvertes.

— Cela est vrai, don Luis. Vincent Yañez, Sancho Ruiz, Pedro Alonzo Niño et Barthélemi Roldan, pour ne rien dire des profonds calculateurs de la Pinta, placent les bâtiments dans le voisinage de Madère, ce qui est de cent cinquante lieues plus près de l’Espagne que nous ne le sommes réellement. Ces braves gens ont suivi leurs désirs plutôt que la connaissance de l’Océan et des cieux.

— Et vous, don Christophe, où placez-vous les caravelles, puisqu’il n’y a aucun motif de cacher la vérité ?

— Nous sommes au sud de l’île de Flores, don Luis, à douze bons degrés à l’ouest des Canaries et sous la latitude de Nafé en Afrique ; mais je souhaiterais qu’ils restassent dans cette incertitude jusqu’à ce que le droit de possession de nos découvertes