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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/388

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l’Océan où les vagues auraient plus de régularité. La direction générale des lames, si toutefois on peut dire qu’elles en eussent une, avait été prise en considération. La Niña avait fait cinq ou six lieues depuis la disparition du jour, sans qu’aucun changement de temps fût survenu. Il était près de minuit, et la surface de l’Océan présentait encore l’image effrayante du chaos. Vincent, Yañez s’approcha de l’amiral et lui déclara que le bâtiment ne pouvait pas soutenir plus longtemps la voile qu’il portait.

— Les secousses que nous éprouvons en nous élevant sur les lames, dit-il, sont si violentes, qu’on dirait que la poupe va être arrachée du bâtiment, et les contre-coups qui s’ensuivent, quand nous retombons dans le creux des lames, ne sont pas moins dangereux ; la Niña ne peut pas conserver de voile avec sûreté.

— A-t-on vu Martin Alonzo depuis une heure ? demanda Colomb en regardant d’un air inquiet du côté où la Pinta devait être visible ; vous avez amené le fanal, Vincent Yañez ?

— Il ne pouvait être maintenu plus longtemps avec l’ouragan ; on l’a montré de temps en temps, et mon frère a répondu à chaque signal.

— Qu’on le montre encore une fois : dans un moment tel que celui-ci, la présence d’un ami réjouit l’âme, quoique sa position soit aussi malheureuse que la nôtre.

On hissa le fanal, et bientôt une lueur faible et lointaine brilla au milieu des éléments déchaînés. Cette épreuve fut répétée à de courts intervalles, et chaque fois on répondit à ce signal, mais à une distance toujours croissante ; et enfin on ne vit plus briller aucune lumière à bord de la Pinta.

— Le mât de la Pinta est trop faible pour porter la moindre chose par un vent semblable, dit Vincent Yañez, et mon frère n’a pas pu serrer le vent aussi près que nous ; il dérive davantage sous le vent.

— Serrez la misaine, comme vous le proposiez, dit Colomb ; le choc des lames devient trop violent pour notre faible bâtiment.

Vincent Yañez choisit quelques-uns de ses hommes les plus habiles, et alla surveiller lui-même l’exécution de cet ordre ; au même instant la barre fut redressée ; la caravelle fit lentement son abattée, et ensuite courut vent arrière avec rapidité. La tâche de serrer la voile fut comparativement facile, la vergue n’étant qu’à quelques pieds au-dessus du pont, et n’y ayant guère que les points d’exposés. Il fallait pourtant les hommes ayant les nerfs