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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/392

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Néanmoins bien des opinions différentes s’élevèrent parmi les pilotes et les gens de l’équipage, relativement à cette vue si désirée. Les uns voulaient que ce fût le continent de l’Europe, les autres pensaient que c’était Madère. Colomb annonça publiquement que c’était une des Açores.

Chaque heure diminuait la distance de cette terre saluée avec de si ardents transports, lorsque, par une variation subite, l’île se trouva placée tout à fait au vent. Pendant toute une longue et terrible journée, le petit esquif lutta contre la tempête afin d’atteindre ce havre si désiré. Mais la force des lames et le vent contraire rendaient les progrès lents et pénibles. Le soleil se coucha au milieu des nuages brumeux de l’hiver, et la terre restait toujours du mauvais côté du petit bâtiment ; — suivant toute apparence, à une distance trop éloignée pour qu’on pût l’atteindre. Les heures s’écoulèrent, et malgré les ténèbres la Niña s’efforçait d’approcher du point où la terre avait été vue. Colomb ne quitta pas son poste pendant toutes ces heures d’anxiété ; car il lui semblait que la destinée de ses découvertes ne tenait plus alors qu’à un fil. Notre héros veillait avec moins de sollicitude ; cependant il devenait plus inquiet du résultat, à mesure que le moment approchait où le sort de l’expédition allait se décider.

Lorsque le soleil se leva, chaque œil parcourut l’Océan, et au grand désappointement des voyageurs aucune terre n’était plus visible. Quelques-uns crurent que son apparition avait été une illusion ; mais l’amiral pensa qu’ils avaient dépassé l’île pendant les ténèbres, et fit virer de bord pour gouverner plus au sud. Il n’y avait pas plus d’une ou deux heures que ce changement s’était opéré, lorsqu’on vit de nouveau la terre, comme un point obscur, par l’arrière, et dans une position où l’on n’avait pas pu l’apercevoir auparavant. La caravelle vira vent devant pour gagner cette île, et jusqu’au moment où l’obscurité reparut, elle lutta contre un veut furieux et une mer houleuse, sans pouvoir s’en approcher. La nuit tomba de nouveau, et la terre disparut encore dans les ténèbres.

À l’heure habituelle, l’équipage de la Niña s’était assemblé, la nuit précédente, pour chanter le Salve regina, ou l’hymne du soir à la Vierge ; car c’est une des touchantes particularités de ce voyage extraordinaire, que ces rudes matelots portèrent avec eux, dans les déserts inconnus de l’Atlantique, les chants de leur religion et les prières du christianisme. Tandis qu’ils étaient ainsi