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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/92

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Les amants restèrent deux heures tête à tête, la reine ayant retenu tout ce temps doña Béatrix. Peu de temps après son retour, son neveu, qu’elle appelait léger et vagabond, mais dont elle connaissait le cœur noble et généreux, quitta les deux dames, qui ne se séparèrent pourtant qu’après minuit. Mercédès ouvrit son cœur à la marquise et lui expliqua les espérances qu’elle fondait sur l’entreprise de Colon. Cet aveu fit peine et plaisir à doña Béatrix, qui ne put s’empêcher de sourire de l’adresse avec laquelle l’amour avait su associer les grands projets du Génois à l’accomplissement de ses désirs. Au total, elle ne fut pas mécontente de ce qui s’était passé. Luis de Bobadilla était fils unique d’un frère qu’elle avait beaucoup aimé, et elle avait reporté sur le fils l’affection qu’elle avait eue pour le père. Dans le fait, tous ceux qui le connaissaient aimaient ce jeune et vaillant cavalier, quoique les hommes prudents se crussent obligés de blâmer ses indiscrétions, et il aurait pu se choisir une femme parmi les plus nobles et les plus belles Castillanes, sauf le petit nombre d’exceptions qui auraient été le résultat de principes de circonspection et de réserve plus stricts que d’ordinaire et qui auraient annoncé une prévoyance allant bien au-delà des considérations d’usage en affaire de mariage. La marquise de Moya écouta donc sa pupille avec intérêt ; et avant qu’elles se séparassent pour la nuit, les aveux modestes et ingénus, la vive éloquence et la tendresse naïve de Mercédès avaient presque fait une prosélyte de doña Béatrix.


CHAPITRE VI.


Jetez un regard sur les siècles passés, vous à qui cela peut plaire, et demandez-vous ce que sont devenus ceux qu’ils ont vus vivre. Où sont ces esprits savants, ces anciens sages, qui savaient parfaitement en quoi consistait toute sagesse ? Où sont ces guerriers illustres qui ont parcouru le monde en conquérants, et dont la puissance n’a connu d’autres bornes que celles de la terre ?
Les ruines du temps.



Plusieurs jours se passèrent avant que les chrétiens se sentissent bien établis dans l’ancien siège du pouvoir des musul-