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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/93

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mans. L’ordre finit pourtant par régner dans l’Alhambra et dans la ville, mieux que pendant le tumulte de la prise de possession, de la joie des vainqueurs et du chagrin des vaincus. Le politique Ferdinand, qui d’ailleurs n’était pas cruel, ayant donné les ordres les plus stricts pour que les Maures fussent traités non seulement avec bonté, mais avec égards, la tranquillité se rétablit peu à peu dans la ville, et chacun commença à reprendre ses anciennes habitudes et à s’occuper de ses travaux ordinaires.

Don Ferdinand était, comme de raison, fort occupé de nouveaux soins ; mais son illustre épouse, qui se réservait pour les grandes occasion, exerçait ses facultés de la manière douce et tranquille qui convenait à son sexe, à son caractère et à sa piété. Autant que le permettaient son haut rang et son autorité, elle s’était soustraite aux scènes martiales et splendides d’une cour militaire, et elle se livrait, avec le même plaisir que jamais, au commerce de l’amitié intime, qui a un charme si naturel pour les douces affections d’une femme. Elle avait avec elle ceux de ses enfants qui avaient survécu, et ils étaient l’objet de ses soins maternels ; mais elle avait aussi ses heures pour l’amitié et pour cette affection qui semblait comprendre tous ses sujets dans ses liens de famille.

Le matin du troisième jour qui suivit l’entrevue rapportée dans le chapitre qui précède, doña Isabelle avait réuni autour d’elle quelques-unes de ces personnes privilégiées qu’on pouvait dire avoir leurs entrées chez elle dans ses heures d’intimité ; car, quoique la cour de Castille se fût rendue célèbre parmi toutes celles de la chrétienté par la rigidité de son étiquette, ce qui était probablement venu des usages orientaux des graves musulmans ses voisins, le caractère affectueux de la reine avait jeté autour de son cercle privé comme une auréole qui le rendait agréable et délicieux à tous ceux qui avaient l’honneur d’en faire partie. À cette époque les ecclésiastiques jouissaient d’une sorte de faveur exclusive. Ils se mêlaient de toutes les affaires de la vie et les dirigeaient même assez souvent. Les habitants des États-Unis sont prompts à découvrir des taches de cette sorte parmi les nations étrangères, et portés surtout à déclamer sur les maux qui sont résulté de intervention des prêtres catholiques dans les affaires intérieures de famille : mais ils ne font par là que prouver la vérité de ce vénérable adage qui nous apprend qu’il est beaucoup plus facile de découvrir les fautes des autres que les