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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/180

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dait dans la chambre pour voir où en étaient les deux personnages, qui n’avaient fait que ronfler toute la nuit ; un instant après, mon lieutenant reparut, traînant après lui le matelot, qui dormait encore debout. Cet homme reçut l’ordre d’empoigner le palan et de se laisser glisser, par les garants, dans le canot ; comme il n’y avait point à répliquer, et qu’il était beaucoup plus facile de descendre que de monter, cet exploit fut bientôt accompli, et nous nous trouvâmes délivrés d’un de nos ennemis. Sennit voulut alors essayer des remontrances et me faire envisager le danger que courait l’embarcation d’être submergée, notre bâtiment fendant les ondes à raison de cinq ou six nœuds ; mais je savais que les Anglais étaient trop adroits pour se laisser noyer sans nécessité, et qu’ils lâcheraient le palan au moment où ils courraient risque de passer sous notre quille ; il y avait dans cette position de quoi agacer des nerfs un peu susceptibles, j’en conviens ; mais ils réussirent merveilleusement à se tirer d’affaire.

Nous eûmes plus de peine avec Diggins ; le malheureux s’était soûlé si complètement qu’il savait à peine ce dont il s’agissait quand Marbre le secoua pour le réveiller, et il fallut le traîner plutôt que le conduire à la lisse de couronnement ; enfin il y arriva, et bientôt il fut suspendu au palan ; mais il était tellement abasourdi, tellement hébété, qu’il lâcha prise, et tomba dans la mer. Ce plongeon lui fit du bien, j’en suis sûr ; un de ses camarades le saisit par le collet, et parvint à le hisser à bord du canot.

Sennit profita de cet accident pour renouveler ses instances, et supplier qu’on ne chargeât pas davantage l’embarcation.

— Pour l’amour de Dieu, capitaine Wallingford, restons-en là, je vous prie, dit-il du ton le plus aimable et le plus touchant. Vous voyez ce qui en est : nous avons toutes les peines du monde à empêcher le canot de couler bas avec tant d’hommes à bord, et plus de douze fois cette nuit j’ai cru que le bâtiment nous entraînait sous sa quille. Il n’y a rien de plus facile pour vous que de vous assurer de nos personnes, en nous laissant venir à bord un à la fois.

— Je n’ai nulle envie de vous mettre aux fers, monsieur Sennit, et il n’est point nécessaire d’en venir à cette extrémité. Mais tenez bien le palan ; car je vous avertis que nous lâchons tout, et que je vous abandonne à votre sort si vous n’obéissez pas.

Cette menace produisit l’effet désiré. Le reste des matelots furent