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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/199

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gagner directement l’endroit où le bateau avait jeté l’ancre. Nous en passâmes pourtant à portée de la voix, et ce fut à qui nous crierait de diminuer de voiles et de mouiller. Feignant de vouloir atteindre le point précis où était le bateau, je dis à M. Le Gros que j’allais avancer encore un peu, et qu’aussitôt que je serais en mesure de venir me ranger à côté de lui, je virerais de bord. Cette réponse était de nature à satisfaire le capitaine et son équipage ; cependant plusieurs voix crièrent : N’importe, n’importe ! pour nous engager à ne pas aller plus loin ; et en effet un endroit valait l’autre pour jeter l’ancre à plus d’une demi-lieue à la ronde.

L’Aurore se comporta à merveille ce jour-là, et bien lui en prit, car la frégate continuait la chasse. Le circuit qu’elle avait à faire, et la distance respectueuse à laquelle elle jugeait prudent de se tenir de la première batterie, nous donnèrent une avance considérable. Au moment où je passai devant le bateau, le haut des voiles de la frégate apparaissait du côté extérieur de l’île, glissant le long des rochers avec une rapidité qui lui faisait honneur. Elle doubla la pointe au moment où nous étions au milieu du canal, mais alors la batterie nous rendit un grand service ; car, au lieu de courir au plus près, les Anglais étaient obligés de pousser un peu au large, dans la crainte d’être exposés à son feu. Cependant les hommes qui servaient la batterie, prévenus par M. Le Gros, qui leur avait dépêché à cet effet un petit canot, n’en pointèrent pas moins leurs pièces contre eux ; mais la distance rendait ces démonstrations peu à craindre ; et pendant ce temps on ne songeait pas à nous inquiéter.

Il est facile à quiconque est le moins du monde au fait des évolutions des bâtiments, de comprendre l’avantage que nous avions alors. La passe entre ces îlots et le continent pouvait avoir quatre lieues de long, et celle dans laquelle les pêcheurs nous avaient engagés d’abord à entrer était vers le milieu du groupe. Favorisés par le flot et par une brise bien établie, nous étions déjà à un mille du bateau, et nous lui restions considérablement au vent, quand M. Le Gros jugea à propos de lever l’ancre, et de commencer une nouvelle poursuite. Il eut la sagacité de comprendre que nous serions bientôt obligés de virer de bord, à cause de la proximité du continent, et de porter de nouveau vers l’île. Au lieu de se mettre dans nos eaux, il profita donc de la direction du courant, et nagea au vent dans la vue de nous couper. Son intention était évidente, mais je ne m’en