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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/202

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quatre heures pour doubler l’extrémité du groupe d’îlots, et son commandant, voyant qu’il fallait renoncer à l’espoir de nous atteindre, s’en vengea sur le brig qu’il parvint à enlever de la rade, malgré toutes les batteries. J’entendis les coups de canon qu’ils échangèrent entre eux ; je vis la fumée qui s’élevait au-dessus de ce point, longtemps après que les îles avaient disparu sous l’horizon.

— Eh bien ! Miles, s’écria Marbre, pendant que nous dînions ensemble sur le pont, n’avais-je pas raison de dire que vous étiez né coiffé ? Voyez un peu comme vous vous tirez toujours de la gueule du loup ! Vous mourrez un jour ou l’autre, c’est infaillible, mais non pas avant d’avoir accompli quelque grande chose. C’est plaisir de naviguer avec vous, mon garçon. Il n’y a point de police d’assurance qui vaille votre compagnie, et l’on peut dormir sur les deux oreilles, quand on est sous vos ordres. Sans vous, je ne serais qu’un infernal ermite, au lieu du fils respectueux et du tendre oncle que je suis. Mais, voyons, qu’allez-vous faire à présent ?

— Je crois, Moïse, que le mieux est de nous diriger vers Hambourg, notre lieu de destination. Ce vent du nord ne saurait durer longtemps dans cette saison ; qu’il passe au sud-ouest, et en moins de quinze jours, nous sommes dans le port.

— Voyez donc comme ces Français attaquent ce quartier de porc ! Ils n’ont jamais fait si bonne chère de leur vie.

— Nourrissez-les bien, traitez-les bien, et faites-les travailler : ils ne songeront jamais à vous molester. D’ailleurs, je ne crois pas qu’ils entendent rien à la navigation. Je vois qu’ils fument et qu’ils chiquent ; nous leur donnerons autant de tabac que leurs pipes et leurs bouches pourront en contenir, et cela les maintiendra en bonne humeur.

— Et John Bull ?

— Ah ! John Bull, c’est une autre affaire. Après tout, on ne rencontre pas tous les jours un Sennit, qui ne rêve que presse. Mon projet est de longer la côte d’Angleterre, et de montrer hardiment notre pavillon. Presque tous les vaisseaux de guerre nous laisseront passer sans nous dire mot, persuadés que nous sommes en destination de Londres ; ce n’est que des brigs et des cutters qu’il faut nous méfier, Moïse. C’est le fretin qui donne toujours le plus d’embarras.

— Ce n’est pas ce que nous avons appris dans cette traversée. Miles. Mais vous êtes non-seulement capitaine, mais armateur ; c’est