en triomphe à bord du bateau, qui pouvait être alors à un quart de mille de distance. Nous passâmes tout contre le brig, qui nous accueillit aux cris mille fois répétés de : Vive la France ! Cependant mon œil ne quittait pas la batterie. Elle avait été construite pour commander la rade, mais on n’avait pas songé à défendre la passe, où il semblait impossible qu’un bâtiment ennemi pût jamais songer à s’introduire. Il est vrai que deux gros canons étaient dirigés sur l’entrée ; mais ils étaient placés dans un ouvrage détaché, et on ne les manœuvrait que dans des cas extrêmes.
Je respirai enfin, et je me sentis soulagé d’un poids immense au moment où l’Aurore se trouva hors de la portée du dernier canon dans le petit hémicycle. Les soldats gesticulèrent pour nous indiquer que nous portions trop à l’ouest ; mais nous n’y faisions pas attention. Au lieu de diminuer de voiles, la misaine et la grand voile furent amurées, et les perroquets établis. C’était révéler nos intentions ; aussi ce fut sur la côte un concert de vociférations qui arrivaient jusqu’à nous. On courut jusqu’à la batterie pour la pointer contre nous ; mais il était trop tard ; nous étions passés, et six minutes après nous cinglions en pleine mer sous le pavillon américain, ayant des banderoles à tous les mâts, étalant, en un mot, tous les emblèmes de triomphe que nous pouvions montrer.
CHAPITRE XVII.
arbre et moi, nous nous regardâmes en face, et nous nous mîmes
à éclater de rire, au moment où les Français nous envoyaient un seul
boulet de la batterie de deux pièces. Le boulet passa par-dessus nos
têtes ; je changeai la direction du bâtiment pour être à l’abri de toute
crainte, et je ne fus plus inquiété. Le bateau ne tenta pas de nous
suivre, et ainsi finirent pour le moment nos relations avec le Polisson
et son équipage. Quant à la Fortunée, il lui aurait fallu au moins