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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/229

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hommes. Qu’ils puissent tenir le gouvernail pour nous soulager, c’est tout ce que je demande. Appelez Neb, qu’il vienne prendre ma place, et nous consulterons la carte pour arrêter notre route.

Une demi-heure après, l’Aurore cinglait vers la côte occidentale d’Angleterre. En voulant éviter la Manche, nous faisions trois fois plus de chemin ; mais le vent se maintint favorable pendant plusieurs jours, et nous arrivâmes sans accident à deux lieues de Scilly. Nous y fûmes accostés par un bateau-pilote qui sortait de ces îles. C’était au lever du soleil, le vent était au nord-est ; et nous avions en vue du côté du vent un bâtiment qui avait tout l’air d’une corvette, quoique sa coque fût encore cachée, et que le cap ne fût pas sur nous.

Les pilotes n’eurent pas plus tôt remarqué la faiblesse de notre équipage, et la direction que nous suivions, qu’ils en parurent frappés. Il était rare à cette époque, et il l’est encore, je crois aujourd’hui, que des bâtiments américains, pesamment chargés, passassent si près de l’Angleterre, venant du sud-est et se dirigeant vers le nord-ouest. C’est la remarque que fit naturellement le pilote principal, quand je lui dis que mon intention n’était d’entrer dans aucun des ports voisins.

— Je manque de bras, ajoutai-je, et je voudrais trouver trois ou quatre bons matelots. Ils seront bien payés, et leur retour aura lieu à nos frais.

— En effet, capitaine, vous êtes en bien petit nombre pour manœuvrer un si grand bâtiment. Pourrais-je vous demander d’où cela provient ?

— Et ne savez vous pas comment agissent vos croiseurs en temps de guerre ? Une frégate anglaise nous a pris tous nos hommes, à l’exception de ceux que vous voyez.

— Il est rare que les officiers de Sa Majesté fassent une rafle si complète, répondit le pilote avec un ton sarcastique qui ne me plut pas. Ils mettent ordinairement du monde à bord du bâtiment qu’ils croient devoir dépeupler ainsi.

— Oui, je suppose que la loi le veut ainsi à l’égard des navires anglais ; mais quand il s’agit de bâtiments américains, il paraît qu’on n’y regarde pas de si près. En tout cas, vous voyez ici tout l’équipage, et vous nous rendriez un grand service en nous donnant un ou deux hommes.