Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séder les affections de miss Hardinge ; et personne n’obtiendra jamais sa main sans avoir d’abord obtenu son cœur — et son cœur tout entier.

J’étais confondu ! Comment, Lucie n’était pas engagée à Drewett ! elle ne l’aimait pas, et cela de l’aveu de Drewett lui-même ! Sans doute André comprit la nature des sentiments qui m’agitaient ; car, avec une loyauté vraiment remarquable, il entra dans des explications propres à dissiper tous mes doutes.

— Ce n’est que tout récemment que j’acquis la certitude que je devais renoncer définitivement à l’illusion dont je cherchais depuis trop longtemps à me bercer. Comme vous êtes un ancien ami de la famille, je n’aurai rien de caché pour vous, Wallingford, et je chercherai du moins à justifier ma conduite. Vous aviez entendu dire, m’apprenez-vous, que j’étais engagé à miss Hardinge ?

— Sans doute ; je crois même que c’était l’opinion de son père, quoiqu’il dût bien savoir que la promesse faite par sa fille était conditionnelle, puisque jamais Lucie ne se serait mariée sans son consentement.

— M. Hardinge s’est donc étrangement abusé. Il est vrai, Wallingford, que j’ai fait pendant longtemps la cour à miss Hardinge, et que je me suis même déclaré il y a plusieurs années. Mais, dès la première ouverture, j’ai été refusé. Néanmoins, comme Lucie avait eu la franchise d’avouer que son cœur était libre, je ne me décourageai point, malgré ses conseils, et je puis même dire, ses prières. Je crois qu’elle a de l’estime pour moi, et je sais qu’elle est très-attachée à ma mère, qui l’aime presque autant que moi. Je me flattais qu’avec le temps cette estime se changerait en amour, et ma présomption a été bien punie. Il y a six mois — c’était peu de temps après que le bruit avait couru de votre naufrage, — j’eus avec elle une dernière conversation à ce sujet, et je me convainquis que je ne devais conserver aucune espérance. Depuis ce moment, je me suis efforcé de dompter ma passion, et vous voyez que ce n’a pas été tout à fait sans succès, puisque j’ai pu vous donner ces détails sans que mon cœur se brisât. Je n’en conserve pas moins pour miss Hardinge le plus respectueux dévouement, et il ne faudrait qu’un mot de sa bouche pour me rappeler. Mais je crois que son intention est de ne jamais se marier. Je m’aperçois que je prolonge ici votre séjour en bavardant ainsi. Sortons vite de ce triste lieu.