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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/347

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autres, ne sont exempts ; mais quant à l’instruction religieuse, il n’en avait pas reçu la plus légère notion dans son enfance. Ce qu’il en avait ramassé en chemin n’était pas de la nature la plus orthodoxe. J’avais toujours pensé que Marbre était convenablement disposé à ce sujet ; mais l’occasion ne s’était jamais présentée de cultiver ses heureuses dispositions. J’entamai donc sans hésiter la grande question, et je le vis fixer sur moi les yeux avec une attention marquée.

— Oui, oui, Miles, répondit-il quand j’eus fini ; tout cela peut être vrai ; mais l’heure est un peu avancée pour que j’aille à présent à l’école. J’ai déjà entendu tout cela, sous une forme ou sous une autre ; mais c’était toujours par pièces et par morceaux, et je n’ai jamais pu en faire rien qui vaille. Quoi qu’il en soit, j’ai travaillé rudement le bon Livre pendant cette traversée, et vous savez qu’elle n’a pas été courte ; et j’y ai recueilli bien des préceptes qui me semblent de la meilleure qualité. J’avais toujours pensé que c’était une vraie folie de pardonner à ses ennemis, ma règle à moi étant de rendre bordée pour bordée, comme vous savez bien ; mais je vois à présent qu’il est plutôt d’un bon cœur de pardonner que de se venger.

— Mon cher Moïse, c’est une excellente disposition d’esprit ; maintenez-vous dans ces sentiments, ne cherchant votre appui qu’en Dieu, et votre heure dernière peut encore être la plus heureuse de votre vie.

— Il y a pourtant cet Échalas infernal ! celui-la, on ne peut pas vouloir que je le regarde comme autre chose que comme un satané pirate, à qui l’on ne pourrait donner trop vite son compte. Quant au vieux Van Tassel, il est allé brasser ses vergues dans une partie de l’univers où tous ses tours seront connus, et je n’irai pas conserver de la haine contre un homme au-delà du tombeau. Je crois que je lui ai à peu près pardonné ; quoique, à vrai dire, personne n’ait jamais mieux mérité la corde.

Je comprenais Marbre mieux qu’il ne se comprenait lui-même. Il sentait la beauté sublime de la morale chrétienne ; mais en même temps il y avait quelques idées qui étaient si fortement enracinées dans son cœur, qu’il n’avait pas la force de les extirper. Notre conversation dura longtemps. Enfin Lucie vint nous joindre, et je crus ne pouvoir mieux faire que de laisser le vieux marin entre les mains