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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/348

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d’une personne qui réunissait toutes les qualités nécessaires pour le ramener, avec l’aide de Dieu, à une vue plus saine de sa condition. J’avais le bâtiment à surveiller, et ce fut une bonne excuse pour intervenir le moins possible entre le mourant et celle qu’on pouvait presque appeler son ange gardien. J’entendis quelques parties de leurs entretiens, assistai à quelques-unes de leurs prières, ainsi que mes enfants, et j’en vis assez pour apprécier la marche et les progrès de cette charitable et pieuse entreprise.

C’était quelque chose de vraiment admirable que de voir une femme, encore dans tout l’éclat de la beauté, employant toute l’éloquence de son cœur et de son esprit à amener un vieux marin endurci à la connaissance exacte et saine de ses rapports avec son Dieu. Je ne dirai pas qu’un succès complet couronna ces généreux efforts ; c’était peut-être plus qu’on ne pouvait attendre ; mais, par la grâce du Sauveur, nous eûmes tout lieu d’espérer que la bonne semence avait pris racine sur ce sol jusqu’alors stérile, et qu’elle finirait par produire d’heureux fruits.

La traversée fut longue, mais paisible. Le bâtiment était encore à l’est du banc de Terre-Neuve quand Marbre cessa de causer beaucoup, quoiqu’il fût évident que ses pensées étaient sérieusement occupées. Il déclinait visiblement, et je vis que sa fin approchait. Il ne paraissait pas souffrir ; mais les liens de la vie semblaient se détacher l’un après l’autre, et l’esprit était au moment de prendre son vol vers le ciel, uniquement à cause de la ruine de la demeure terrestre qu’il avait habitée si longtemps, comme la cigogne finit par abandonner la cheminée qui chancèle.

Une semaine après ce changement, mon fils Miles vint me trouver sur le pont, et me dit que sa mère désirait me parler dans la chambre. Au bas de l’échelle, je trouvai Lucie, dont les traits bouleversés me révélèrent assez le caractère solennel de la communication qu’elle avait à me faire.

— Le moment approche, cher Miles, me dit-elle ; notre vieil ami va nous être enlevé.

Tout préparé que j’étais à ce triste événement, je sentis mon cœur se serrer. Toutes les aventures de ma vie, si longtemps agitée, se présentèrent à mon esprit, et toujours l’image du mourant y était associée. Tout original qu’il avait pu être, son dévouement pour moi ne s’était jamais démenti un seul instant.