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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/156

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le peu d’étendue du terrain, ils suffisaient à la consommation d’une table frugale.

Tel était l’endroit qui était connu dans toute cette région sous le nom de « Huttes du Porte-Chaîne. » Ce nom s’est conservé, et les huttes subsistent encore, parce qu’elles se lient à certaines circonstances de mon histoire, ce qui m’a fait tenir à leur conservation. Comme cette demeure avait été habitée une grande partie du printemps et de l’été, elle portait quelques autres traces de la présence de l’homme ; mais dans l’ensemble, c’était bien l’isolement profond d’une retraite au milieu des forêts. Ensevelie dans les bois, à quinze grands milles de toute habitation, elle semblait privée de toute communication avec le monde civilisé. Néanmoins ces demeures isolées ne sont nullement rares dans l’État de New-York, même à l’époque actuelle ; il y a au nord un district montagneux que j’ai traversé dernièrement, et que j’ai trouvé très-pittoresque. Il convient au chasseur, qui y trouve en quantité des daims et du gibier de toute espèce ; mais il n’est pas aussi bien approprié aux besoins du cultivateur. Aussi, à moins que des squatters, dans leurs courses désordonnées, ne s’abattent sur cette partie du territoire, je suis convaincu que pendant un siècle encore, pour le moins, ce sera un désert, fréquenté seulement dans la saison par les chasseurs, qui sont menacés de perdre bientôt leurs terrains de chasse favoris dans les autres parties de l’État.

Jaap, qui avait escorté un petit convoi de provisions, resta avec nous en qualité d’aide général, et aussi à titre de chasseur. Il tirait avec assez d’adresse, et, comme il avait servi, il avait le droit de brûler autant de poudre qu’il voulait. Par suite d’un de ses exploits guerriers, il était devenu possesseur d’un excellent fusil de chasse, dépouille sans doute de quelque officier anglais ; et c’est un trophée dont il se séparait rarement. Jaap et Susquesus étaient d’anciennes connaissances. Ils avaient l’un et l’autre joué un rôle dans certains événements qui s’étaient passés dans ces lieux mêmes, quelque temps avant ma naissance, et ils s’étaient souvent rencontrés et avaient servi ensemble dans la dernière guerre. L’antipathie ordinaire entre les Peaux Rouges et les Peaux Noires n’existait pas entre eux,