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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/159

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pendant le jour et de l’autre côté pendant la nuit. Qu’en dites-vous, Onondago ?

Susquesus écouta gravement ; mais il n’exprima ni adhésion ni dissentiment. Il avait un grand respect pour mon père et pour moi ; mais c’était lui demander beaucoup que de vouloir qu’il crût une chose qu’il ne comprenait pas.

— S’il en était ainsi, dit-il après un moment de réflexion, l’homme marcherait donc la tête en bas ? Il marche sur les pieds, et non sur la tête.

— Maître Corny me l’a dit, Susquesus, il y a bien longtemps, quand j’étais tout petit. J’ai interrogé un jour maître Mordaunt, et il m’a raconté la même histoire.

— Que dit le porte-chaîne ? demanda tout à coup l’Indien, comme s’il était décidé à prendre pour guide dans une question si délicate un homme qu’il aimait tant. Le porte-chaîne ne ment jamais.

— Et mes maîtres non plus, j’espère ! s’écria Jaap avec une certaine indignation.

— Non, mais il y a beaucoup de langues fourchues. Qui les écoute peut se fourvoyer. Le porte-chaîne se bouche les oreilles ; il n’écoute jamais une langue fourchue.

— Eh bien, le voici justement qui vient, Susquesus. C’est un très-honnête homme, le porte-chaîne, et je ne serai pas fâché moi-même de savoir son avis ; car il n’est pas facile de comprendre comment on peut marcher la tête en bas.

Après quelques remarques échangées sur les pigeons, Jaap ne se fit pas scrupule d’entamer le sujet avec André.

— Vous savez ce qu’il en est du pauvre Indien des bois, maître porte-chaîne, dit-il ; cette pauvre créature sans éducation ne sait rien de rien. Voilà Sans-Traces qui ne peut se mettre dans la tête que ce monde soit rond, et qu’il tourne ; et il me charge de vous demander ce que vous en pensez.

Le porte-chaîne n’était à pas un savant. Il avait entendu parler des vérités conquises par la science, où il les avait lues dans des livres ; mais il ne se les était pas appropriées au point de les bien comprendre, et il n’avait guère que son gros bon sens pour se diriger.