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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/178

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remontait pas à plus de quatre ans. C’était alors que Mille-Acres, avec sa nombreuse famille, qui se composait de vingt membres, était venu s’établir dans cet endroit. L’emplacement était admirablement choisi pour un moulin ; la nature semblait avoir tout disposé pour une semblable destination ; mais l’art avait fait très-peu de chose pour seconder la nature, et la construction était des plus grossières. L’agriculture n’était évidemment pour la famille qu’une occupation tout à fait accessoire ; la terre n’était cultivée que tout juste ce qu’il fallait pour donner la nourriture strictement nécessaire ; tandis que tout ce qui tenait au commerce des bois était l’objet des soins les plus empressés. Un grand nombre de pins magnifiques avaient été abattus, et l’on voyait, de tous côtés, des monceaux de planches. On n’en expédiait, pour le moment, qu’une petite quantité, pour fournir le marché ; mais l’intention était d’attendre la prochaine crue des eaux pour faire les grands envois, et recueillir alors le fruit de toutes les peines qu’on s’était données pendant l’année.

Je vis aussi que la famille devait s’être successivement accrue par des mariages, car je ne comptai pas moins de cinq huttes, toutes de construction récente, et ayant une apparence de solidité qu’on ne se serait pas attendu à trouver, lorsque les titres de propriété étaient si précaires. C’était du moins un indice qu’on n’avait pas l’intention de s’éloigner de sitôt. Il était probable que les plus âgés des fils et des filles étaient mariés, et que le patriarche voyait déjà une nouvelle génération de petits squatters s’élever autour de lui ; on apercevait quelques jeunes garçons qui rôdaient à l’entrée des habitations, et le moulin faisait ce bruit particulier qui avait attiré si particulièrement l’attention de Susquesus.

— Entrez, Sans-Traces, s’écria Mille-Acres avec une cordialité qui prouvait que s’il était prêt à prendre, il n’était pas moins prêt à donner ; — entrez aussi, vous son ami — je ne sais pas votre nom, mais peu importe. Il y a assez pour tous, et vous serez toujours le bienvenu. Tenez, voilà la mère, qui vous servira de bon cœur, et qui est aussi avenante qu’une fille de quinze ans.

Cette dernière assertion était au moins contestable. Mistress Mille-Acres ne nous reçut nullement avec le sourire sur les lè-