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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/208

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échappé, vous auriez voulu revenir, j’attends vos explications. Dites-moi tout ce qui s’est passé, Susquesus ; dites-le-moi à votre manière, comme vous l’entendrez ; mais dites-moi tout.

— Sans doute, pourquoi pas tout dire ? — Bien de mal, tout est bon, tout est très-bon, — jamais Susquesus n’a eu tant de bonheur.

— Vous excitez ma curiosité. Voyons, racontez-moi tout, depuis l’instant où vous avez disparu jusqu’au moment où vous avez été ramené.

Susquesus me lança un regard significatif, il tira sa pipe de sa ceinture, la remplit, l’alluma et se mit à fumer avec un sang-froid imperturbable. Après ces préliminaires, il commença tranquillement son récit.

— Écoutez, vous allez savoir, dit-il. Je me suis enfui, parce qu’il n’était pas bon de rester ici et d’être prisonnier ; voilà pourquoi.

— Oui, mais en quoi est-ce meilleur à présent ? Vous voilà prisonnier aussi bien que moi, et, si j’ai bien compris, parce que vous l’avez bien voulu.

— Sans doute. L’Indien ne se laisse pas prendre quand il ne le veut pas. On peut le tuer ; pour cela, il n’y peut rien ; mais, dans les bois, jamais il n’est fait prisonnier, à moins qu’il ne soit paresseux ou ivre. Le rhum fait beaucoup de prisonniers.

— Je crois tout cela. Mais venons au fait. Pourquoi avez-vous commencé par vous sauver ?

— Est-ce qu’il ne fallait pas que le porte-chaîne sût où vous étiez, hein ? Vous pensez que Mille-Acres vous laisserait aller, tant qu’il lui resterait une planche à mettre à l’eau ? Quand la dernière planche sera partie, vous partirez. Vous resterez tout l’été. Vous aimeriez à rester tout l’été dans ce magasin, hein ?

— Certainement non. Ainsi, vous m’avez quitté pour apprendre à mes amis où j’étais, afin qu’ils pussent venir à mon secours. Ensuite ?

— Ensuite, je me suis enfui dans les bois. Il est facile de s’échapper lorsque Mille-Acres ne regarde pas. Eh bien ! je courus deux milles, sans laisser de traces ; l’oiseau en laisse autant dans l’air. Qui supposez-vous que j’aie rencontré, hein ?